Respecter ses limites pour sa santé mentale
Respecter ses limites est une condition essentielle pour prendre soin de soi et de sa santé mentale. Beaucoup le savent, mais le mettre en pratique comporte son lot de défis. Comment établir ses limites? Et surtout, comment les faire respecter, tant par les autres… que par soi-même?
Par Danielle Germain, M.A., Directrice clinique, Relief
Mettre ses limites : luxe ou nécessité?
Qu’est-ce qu’une limite?
Tout le monde a des limites, qu’elles soient physiques, intellectuelles, émotionnelles, sociales, sexuelles ou autres. Elles varient d’un individu à un autre en fonction de sa personnalité, de ses compétences, de ses intérêts, etc. Certaines sont plus acceptées socialement que d’autres4, par exemple, une difficulté à lever un objet lourd. Cependant, les limites émotionnelles liées à la santé mentale génèrent souvent une incompréhension, voire un jugement. On aura alors tendance à vouloir s’expliquer et se justifier — sans oublier le sentiment de culpabilité.
Pour qu’une limite soit « saine », elle doit respecter votre bien-être et s’établir selon vos valeurs, vos préférences, votre vision, vos opinions et vos champs d’intérêt. On parle généralement de « limites malsaines » devant une absence ou un manque de limites, comme regarder ses courriels du travail à tout moment. Il peut aussi s’agir, dans certains cas, d’un excès de limites ou de limites trop rigides, comme refuser une quelconque interaction avec la famille et les amis de votre partenaire5.
Pourquoi mettre ses limites?
Si mettre ses limites contribue à votre santé mentale et à votre bien-être, l’inverse est aussi vrai. Omettre d’établir ses limites peut non seulement mener à un sentiment d’inconfort, de regret et de frustration, mais aussi à de l’anxiété et de la fatigue, voire de l’épuisement6.
L’épuisement professionnel s'expliquerait d’ailleurs souvent par le manque de limites entre la vie personnelle et le travail7. Le flou des frontières se fait notamment ressentir chez les parents qui jonglent avec leurs responsabilités familiales et professionnelles. Mais, c'est aussi le cas chez les travailleurs de la santé8 et les proches aidants9, qui se retrouvent souvent à faire passer le bien-être des autres avant le leur.
Au-delà du bien-être que les limites peuvent procurer, elles deviennent aussi un moyen d’affirmer sa propre identité. Comme le dit Tracey Cleantis, psychothérapeute et auteure : « dire non requiert une forte prise de conscience de qui l’on est. C’est une façon de se responsabiliser et ça peut être une source immense de réconfort »10.
Comment établir ses limites?
Établir ses limites nous vient rarement « naturellement ». C’est quelque chose qui s’apprend et qui se pratique. Voici trois étapes pour démarrer du bon pied.
1. Définir ses limites
Pour établir vos limites, commencez par les identifier! Ça passe par un travail d’introspection :
- Rappelez-vous des expériences qui ont engendré des sentiments négatifs comme vous sentir épuisé, stressé ou surchargé. Vous pourriez même avoir eu des réactions physiques comme des nausées, des maux de tête, un rythme cardiaque accéléré et une pression thoracique. De tels sentiments et réactions peuvent vous indiquer qu’une limite n’a pas été respectée.
- Tentez de dégager des tendances : une sphère de votre vie est-elle plus affectée que d’autres (travail, études, famille, amis, couple, etc.)? Une personne en particulier ne respecte pas vos limites? À un moment de la journée, vos limites sont-elles plus souvent dépassées? Demandez-vous si un moyen de communication est plus susceptible de vous irriter (courriel, réseaux sociaux, etc.).
- Réfléchissez également à vos droits : le droit à l’erreur, de ressentir une fatigue, de ne pas plaire à tout le monde, d’être respecté, de ne pas se sentir coupable, etc. Comme l’affirme Judith Belmont, psychothérapeute et auteure : « lorsque vous établissez vos limites, il est important de déterminer quels sont vos droits fondamentaux ». Connaître vos valeurs peut aussi vous aider dans votre réflexion. Quelles valeurs sont transgressées lorsqu’une limite n’est pas respectée11?
2. Communiquer ses limites
Personne ne peut « deviner » vos limites, même celles qui vous paraissent évidentes. À vous de vous assurer qu’elles soient connues :
- Choisissez le bon moment pour les nommer. Communiquez vos limites à l’avance ou dès qu’elles ont été franchies. Surtout, n’attendez pas trop et évitez de les affirmer en temps de crise.
- Soyez clair, direct et ferme. Pour qu’une limite soit respectée, elle doit d’abord être bien comprise. Pas de place pour l’ambiguïté! Communiquez avec fermeté, car vos limites ne sont pas à négocier, tout comme votre bien-être. Cela peut être intimidant au début, puisque vous exprimez vos vulnérabilités, mais c’est l’unique façon d’avoir des limites et des relations saines.
- Misez sur la cohérence et la constance. Il est plus facile d’appliquer ses limites lorsqu’elles sont ancrées dans nos valeurs et nos croyances. Montrez l’exemple en respectant vos propres limites, et celles des autres, pour inciter votre entourage à en faire tout autant. Soyez constant. Évitez d’adopter l’approche « parfois oui, parfois non ». Vos limites seront plus facilement comprises et vous aurez moins souvent à les répéter12.
- Ne vous sentez pas obligé de vous justifier. « Non » est une phrase complète. Vous n’avez ni à vous expliquer ni à vous sentir coupable. Vous pouvez bien sûr enrober le tout d’une formule de politesse, et même préparer quelques phrases passe-partout, comme : « J’aurais bien voulu t’aider, mais malheureusement je ne suis pas disponible ».
- Parlez au « je ». Faites part de ce que vous ressentez. Dites pourquoi vous avez une telle réaction et ce dont vous avez besoin pour vous sentir mieux. Utilisez la structure suivante pour vous aider : « Je me sens____ quand____ parce que____. J’aimerais____ . » Voici un autre exemple : « Je me sens déprimé quand tu me parles de tes problèmes de couple parce que je souffre de mon célibat. J’aimerais parler d’autre chose. »
- Adaptez-vous au contexte. Établir ses limites avec sa famille ou ses amis permet habituellement de nommer ses émotions et ses vulnérabilités plus aisément que dans un contexte professionnel. Opter pour une approche plus rationnelle et axée sur les solutions est parfois préférable lorsque vous vous adressez à votre employeur ou à des collègues13. Par exemple : « Si j’effectue ce travail, cela aura un impact sur le dossier X, que je devrai mettre de côté. Que souhaites-tu prioriser? »
3. Déterminer les conséquences
Même des limites bien communiquées et comprises peuvent être transgressées. Mieux vaut s’y préparer! Planifiez ce que vous ferez en cas de non-respect de vos limites. Quelles actions souhaitez-vous entreprendre? Elles doivent être réalistes et facilement applicables. Vous pouvez d’ailleurs nommer les conséquences en même temps que vos limites. Par exemple, si une amie vous appelle tous les jours et que cela vous demande trop d’énergie, vous pouvez lui dire : « J’aime quand on se parle au téléphone, mais une fois par jour, c’est trop pour moi. Pourrait-on se parler une ou deux fois par semaine? [limite] Je ne veux pas me retrouver dans une situation où je dois ignorer certains de tes appels. [conséquence] »
Réfléchissez également aux mesures à prendre si une personne récidive à de nombreuses reprises. Vous pourriez, par exemple, décider de prendre vos distances ou même de mettre fin à cette relation que vous considérez comme toxique.
En bref
Les raisons sont nombreuses pour ne pas mettre ses limites. On veut plaire, être aimé, ne pas décevoir, éviter le conflit, etc. Mais, votre santé mentale et votre bien-être en paieront le prix. Vous avez donc tout avantage à établir vos limites et à les faire respecter. Et si vous ressentez le besoin d’être accompagné, communiquez avec un ou une psychologue ou avec des organismes comme Relief pour vous appuyer dans votre démarche.
À propos de Relief
Relief (anciennement Revivre) est un organisme qui soutient les personnes vivant avec l’anxiété, la dépression ou la bipolarité, ainsi que leurs proches, pour leur permettre de continuer d’aller de l’avant. Depuis plus de 30 ans, Relief a développé un centre d’expertise et de soutien en santé mentale, qui compte un réseau de partenaires à travers le Canada. Reconnu comme une référence et un leader pour les troubles mentaux courants, Relief a développé une véritable innovation sociale avec son concept unique de soutien à l’autogestion. Ses services bilingues s’intègrent dans l’ensemble de l’écosystème de services et de soutien social des communautés.