Let's talk anxiety with Claudie Mercier
Anne-Élisabeth Bossé : [00:00:00] Salut, je m'appelle Anne-Élisabeth Bossé et bienvenue au balado de Beneva : Ça arrive à tout le monde. Parce que Beneva, c'est vraiment du bon monde, on a fait aller notre réseau de contacts pour créer des rencontres mémorables. À chaque épisode, je rencontre un invité pour jaser de ce qui arrive dans sa vie.
[00:00:16] Et aujourd'hui, notre sujet, ça touche malheureusement beaucoup trop de monde, c'est l'anxiété. Pour en parler, je reçois Claudie Mercier qui est influenceuse, animatrice, créatrice de contenus et qui vit elle-même avec un trouble anxieux. Et pour nous aider à mieux comprendre, j'ai aussi fait appel à un pro qui s'appelle Simon Coulombe, qui est titulaire de la Chaire de recherche en santé mentale à l'Université Laval. Donc, je pense qu'il devrait être bon pour nous éclairer sur le sujet. On part ça!
[00:00:40 BUMPER INTRO]
Anne-Élisabeth Bossé : [00:00:50] Claudie, merci tellement d'être là.
Claudie Mercier : [00:00:52] Bien, merci de me recevoir.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:00:53] Je suis vraiment ravie de t'avoir devant moi.
Claudie Mercier : [00:00:56] Moi aussi!
Anne-Élisabeth Bossé : [00:00:57] Yé! Bon, je sais que tu as fait Occupation double en 2019.
Claudie Mercier : [00:01:01 :00] Oui.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:01:01:30] Oui, ça on le sait, que tu as une chaîne YouTube qui a de plus de 128 000 abonnés. Wow! En plus de ton TikTok qui a 1.2 million d'abonnés, en plus de toi-même animer un balado qui s'appelle Perceptions sur les gens qui ont des parcours de vie atypiques.
Claudie Mercier : [00:01:14] Exactement.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:01:15] C'est tout ça que moi je sais de toi. Mais, je sais aussi maintenant que tu as un trouble anxieux, que tu vis avec ça et que tu en parles ouvertement.
Claudie Mercier : [00:01:22] Oui.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:01:23] Fait que c'est pour ça que tu es là aujourd'hui. Puis je voulais savoir, en fait, comment ça avait affecté et comment ça affecte encore ta vie, ton trouble d'anxiété généralisée?
Claudie Mercier : [00:01:31] Bien, en fait, moi toute ma vie, je pense que j'étais une personne super anxieuse, mais sans le savoir avant d'être diagnostiquée. Donc moi j'étais jeune, j'étais anxieuse de m'endormir parce que je pensais que j'allais mourir dans mon sommeil.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:01:45] Admettons, à quel âge à peu près, là?
Claudie Mercier : [00:01:46] Genre 9 ans.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:01:47] OK, genre tôt là.
Claudie Mercier : [00:01:48] Oui. Oui, oui, très tôt, là. Tsé moi quand j'étais jeune, j'avais peur d'avoir le cancer. J'avais écouté un film sur la leucémie, je pensais que j'allais avoir ça. Ça a tout le temps affecté ma vie dans le sens que, au départ, c'était très stable. Tsé, quand j'allais à l'école, mes idées se changeaient, donc je n’étais pas anxieuse à ce moment-là. Jusqu'à tant que j'arrive au cégep. Donc, admettons tout mon secondaire, ça a vraiment bien été. Mon primaire aussi. Tsé, c'était plus au moment de me coucher, quand je n’avais rien à faire que, là, j'étais vraiment anxieuse, puis tac tac tac tac tac. Je respirais de même, admettons.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:02:18] Oui.
Claudie Mercier : [00:02:19] Puis quand je suis arrivée au cégep, justement, là ça s'est mis à être vraiment plus intense. Quand j'allais travailler, je faisais des crises de panique sur le… pendant que j'étais en voiture parce que j'avais peur de m'évanouir pendant que je conduisais. J'avais peur de justement faire des crises de panique au travail. Donc...
Anne-Élisabeth Bossé : [00:02:35] Toutes les zones étaient un peu affectées, là.
Claudie Mercier : [00:02:36] Ash mon Dieu! Bien oui, à partir du cégep là...
Anne-Élisabeth Bossé : [00:02:36] Les transports, la job, le sommeil.
Claudie Mercier : [00:02:39] Ah oui, oui!
Anne-Élisabeth Bossé : [00:02:40] Toute seule avec toi-même ou avec d'autres mondes, généralisé là.
Claudie Mercier : [00:02:42] Ah oui, oui, 100 %. Puis même que des fois, je chokais mes amis parce que, en fait ce qui se passait, c'est que souvent dans une soirée, je devais aller m'enfermer plusieurs fois dans les toilettes parce que je faisais une crise de panique intérieure. Puis là ça montait, ça montait, puis là je disais au monde « hé, je reviens, je vais aux toilettes ». Mais comme, les gens ne savaient pas que, comme, je faisais des crises de panique, fait que j'allais m'enfermer dans les toilettes. Je faisais ça aussi à mon travail parce que…
Anne-Élisabeth Bossé : [00:03:03] Fait que tu étais quand même hyper fonctionnelle, parce que les gens ne voyaient pas que tu craquais de l'intérieur, là. Tu étais comme capable de masquer ça.
Claudie Mercier : [00:03:10] Au départ.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:03:11] Au début, OK.
Claudie Mercier : Oui, c’est ça.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:03:12] Jusqu'à ce que…
Claudie Mercier : [00:03:13] Bien au départ, tout mon cégep, ça s'est bien passé. J'ai quand même réussi à bien le cacher et tout. Puis première année d'université également. C'est vraiment la deuxième année de l'université où que, là, j'ai commencé à vraiment avoir peur de sortir de chez nous tout court, puis d'aller faire l'épicerie. Parce que c'est tellement spécial comment le cerveau fonctionne. Mais tsé, admettons moi, il m'était déjà arrivé de faire une crise de panique pendant que j'étais à l'école. Ça fait que là, j'associais l'école à ma crise de panique. Fait que là, j'avais peur de faire une crise de panique à l'école. Ça fait que ça a commencé comme ça. Jusqu'à tant que ça atteigne l'épicerie, que ça atteigne la voiture. Là, je ne me sentais plus en sécurité nulle part. Et dans ce temps-là, j'avais un copain qui n’est pas lui que j'ai présentement.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:03:54] Un ancien copain.
Claudie Mercier : [00:03:54] Oui, c'est ça. Et il ne devait jamais me laisser toute seule. C'était comme ma crainte. Je pensais que s'il me laissait toute seule, j'allais mourir toute seule chez nous. Crise de cœur, ACV, épilepsie, ah!
Anne-Élisabeth Bossé : [00:04:06] OK, OK, OK.
Claudie Mercier : [00:04:07] Oui, tout le kit!
Anne-Élisabeth Bossé : [00:04:08] Je comprends. Extrêmement irrationnel.
Claudie Mercier : Ah mon Dieu, tellement.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:04:10] Il n'y avait pas de manière de te raisonner. Même s’il y a une colonne des pour, des contre, des articles scientifiques, ça dépasse ça là.
Claudie Mercier : [00:04:16] Ah oui! Puis mon ancien copain, sa mère est infirmière, puis je lui racontais mes peurs, puis elle était comme « bien voyons Claudie, tu as 21 ans là, comme ça va bien aller, là ». Mais moi, j'étais comme « non, je te jure, là, comme ». Tsé, c'était rendu que j'avais développé un trouble alimentaire aussi. Tsé, j'étais rendue orthorexique parce que…
Anne-Élisabeth Bossé : [00:04:33] Ça, ce n’est pas bon pour le corps, ça ce n’est pas bon, ça...
Claudie Mercier : [00:04:34] Exact. Je ne pouvais plus manger de gras. Moi, je voyais un œuf puis je me disais : « Ah mon Dieu, il y a du cholestérol là-dedans, je vais faire du cholestérol ». Là, j'étais comme : « Si je fais du cholestérol, ça va bloquer ma circulation, nanana ». Eille, je te jure, ça allait loin mon affaire, là! À un moment donné, j'étais accro à prendre ma pression artérielle, donc j'allais chaque jour dans les pharmacies, j'allais chaque jour au gym, je prenais ma pression artérielle jusqu'à ce qu'un jour je la prenne et elle est trop élevée. Puis là, la machine se met à biper rouge « trop élevé ». Eille là, là…
Anne-Élisabeth Bossé : [00:05:05] Il n'en fallait pas plus pour, j'imagine.
Claudie Mercier : [00:05:07] Ah mon Dieu! Là après ça, j'étais comme : « Ça y est, je fais de l'hypertension ». Fait que là, j'étais partie sur une autre affaire. Comme tu vois, là, c'est comme…
Anne-Élisabeth Bossé : [00:05:13] OK, mais ça gangrène comme tout.
Claudie Mercier : [00:05:15] Exactement.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:05:16] Mais qu'est-ce que… mon Dieu, quel était…
Claudie Mercier : [00:05:17] Déclic?
Anne-Élisabeth Bossé : [00:05:18] Le premier pas de guérison? À un moment donné, probablement de nommer l'affaire, j'imagine, que de te faire face à l'affaire. Puis après, comment on amorce ça, comme décortiquer un trouble anxieux, puis ne pas en survivre là, mais le surmonter du moins? Parce qu'on vit avec, mais il faut vivre. Dans vivre avec, il y a vivre. Il faut vivre!
Claudie Mercier : [00:05:34] Ah oui, oui, 100 % là. Puis tsé, je ne vivais pas là. On va se le dire, là, quand tu restes chez vous et puis que ton chum ne peut pas te laisser toute seule parce que, s'il te laisse toute seule, tu paniques, tsé, ce n’est pas une vie là. Tsé, ce n’est pas une vie que je voulais. Puis moi, je le savais. J'étais consciente que ce n’était pas normal là. Tsé, je n’étais pas chez nous à me dire c'est complètement normal, je vais…
Anne-Élisabeth Bossé : [00:05:51] Tout le monde devrait être comme moi.
Claudie Mercier : [00:05:52] Non, exactement. Puis ma mère, elle avait fait : « Là, il faut que tu ailles voir notre médecin, ça n'a pas de bon sens ». Puis j'avais accepté parce que, pour vrai, j'étais rendue à une étape où est-ce que j'étais essoufflée. Moi, c'était rendu que le meilleur moment, c'était quand je dormais parce que je ne me rendais pas compte que j'étais anxieuse. Au moment où je me réveillais, je me sentais étourdie constamment. Je me sentais en manque d'air. Genre, je ne sais pas comment l'expliquer mieux que ça, tsé. Je me sentais contrôlée par mon propre corps, disons ça comme ça.
[00:06:18] Je suis allée chez le médecin, je lui ai tout expliqué. Elle me fait remplir des formulaires. On me passe des tests. On me fait voir justement un psychologue par rapport à ça. Et à la base, mon diagnostic est tombé comme étant un trouble d'anxiété généralisée, oui, mais à ce moment-là, j'avais aussi développé un trouble panique parce que je faisais plus de cinq crises de panique par jour.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:06:38] Ça fait que ce qui t’a aidée au final le plus, c'est d'en parler, de voir des psy, puis je le sais parce que tu en as parlé, que la médication peut-être une option. Est-ce que tsé, je sais que certaines personnes démonisent un peu cet aspect-là du traitement. Comme toi, je sais que ce n’est pas ton cas.
Claudie Mercier : [00:06:53] Ah non, vraiment pas parce que… Puis tsé, dans le sens, ça ne va pas être un miracle, là. Ce n’est pas ça que je dis. Puis si tu n’as pas besoin de prendre la médication, prends-en pas. Mais moi, j'étais rendue à un moment de ma vie où est-ce que, si je ne prenais pas la médication, pour vrai, honnêtement je ne sais pas ce qui m'aurait aidée. Pour vrai. Je faisais du sport, je mangeais bien, je faisais de la méditation, je ne buvais pas d’alcool à ce moment-là.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:07:13] Peut-être trop, là.
Claudie Mercier : [00:07:14] Exact. Mais mon Dieu, c'est drôle que tu me dis ça parce qu'on a établi un lien avec mon médecin que, tellement que je mangeais trop santé, mon cerveau manquait de gras. Fait que ça a créé encore plus d'anxiété. C'est vraiment épouvantable. Je me faisais ça à moi-même sans m'en rendre compte.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:07:30] L'antidote devient le venin, oui je comprends.
Claudie Mercier : [00:07:34] Mais tellement! Puis c'est fou parce que, maintenant, quand je le sais, je suis comme « mon Dieu, ça fait tellement de sens ». Puis en ce moment, je mange ce que je veux et je me sens tellement bien, admettons. Puis ça a commencé comme ça. La médication allait, allait. Ça m'a vraiment aidée à me redonner un up.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:07:47] Bien oui.
Claudie Mercier : [00:07:48] Puis comme je te dis, moi la communication, c'est quelque chose de gros dans ma famille, là. Moi, si je ne vais pas bien, j'appelle mon père, j'appelle ma mère. Tsé, j'ai vraiment la chance d'avoir des parents sur qui je peux compter. Mais ça, en parler, c'est le best. Puis justement, quand j'utilise ma plateforme pour le faire, c'est aussi une thérapie pour moi, là.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:08:04] Bien oui!
Claudie Mercier : [00:08:05] Oui. Moi, j'avais commencé à faire des vidéos YouTube il y a peut-être… en 2017-2018. Je m'assoyais devant ma caméra, puis je braillais. Je faisais quasiment une crise de panique en live. Je trouve ça drôle d'avoir fait ça, mais en même temps, ça m'a tellement aidée. Parce qu'il y a plein de gens qui m'écrivaient pour me dire : « Oh my God, je vis la même affaire ». Je suis comme : « Wow, je ne suis pas toute seule! » Je trouvais ça le fun de voir enfin des femmes, des hommes de mon âge qui vivaient aussi ça, tsé.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:08:28] Bien sûr.
Claudie Mercier : [00:08:29] Fait que ça m'a vraiment aidée d'en parler sur mes réseaux. Étonnamment, ça ne m'a pas…
Anne-Élisabeth Bossé : [00:08:33] Puis, il y a deux affaires que je retiens dans ce que tu dis. D'abord, de l'importance de prendre ça au sérieux. Parce que je ne sais pas tes parents ont quel âge, puis je ne veux pas faire d'âgisme et puis je ne veux pas viser aucune génération, mais c'est quand même récent qu'on parle de santé mentale et il y a beaucoup d'affaires de…
Claudie Mercier : 100 %.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:08:45] Parfois, là : « Tsé, c'est dans ta tête, ma petite fille ». Tsé ça, on entend ça souvent. Puis à ce moment-là, si tu n’es pas pris au sérieux, ça peut amener de la honte. Puis quand tu as de la honte, bien là, tu ne peux pas sortir de ça. Dans ton cas, tu as été prise au sérieux, puis ça te permet de sortir de ta honte et puis, même, justement de mettre ça de l'avant. C'est ça que tu dis que tu fais dans tes réseaux sociaux. Non seulement tu ne te caches pas, tu te filmes en train de faire une crise de panique pour dire « eille, ça existe ».
Claudie Mercier : Oui.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:09:07] Il y a des gens qui traversent ça et ça permet à plein de monde de s'identifier et de sortir peut-être, eux, de leur honte.
Claudie Mercier : [00:09:12] Mais je pense que de plus en plus, les gens sont conscients de ce que c'est de vivre avec ça. Puis tsé, on se dit tout le temps… je trouve ça drôle, on dit tout le temps : « Ah oui, en 2023, tout le monde est anxieux ». L'affaire, c'est que probablement qu'en 1980, il y avait plein de gens anxieux, plein de gens en choc post-traumatique, mais ils ne disaient pas, puis ils ne parlaient pas. Ça fait que c'est normal qu'on pense que, dans ces années-là, il n’y avait rien. Mais ce n’est pas vrai, là. Comme moi, ma mère a 50 ans, ma grand-mère est plus vieille, puis les deux ont vécu de l'anxiété, là, tsé c’est comme...
Anne-Élisabeth Bossé : [00:09:41] Mais bien sûr. Il n’y avait juste pas de mot pour le dire. Oui.
Claudie Mercier : [00:09:44] Exact. Bien oui, moi je pensais comme toi, là. J'allais passer des électrocardiogrammes, des scans au cœur parce que j'étais comme : « Je dois avoir un problème cardiaque », je passais des prises de sang. Jusqu'à tant qu'on me dise : « Tu es anxieuse, ma belle ».
Anne-Élisabeth Bossé : [00:09:56] Oui, oui. Aussi rationnel que ça peut être, oui, c'est le nom que ça porte. Puis quand on vit un trouble anxieux généralisé et ça prend autant de place, comment notre identité ne devient pas que ça? C’est-tu un processus que tu as eu à faire?
Claudie Mercier : [00:10:07] Oui, mais tsé, en même temps, je pense qu'à la seconde où est-ce que tu acceptes que tu es anxieuse puis que c'est ça ton diagnostic, moi déjà, je trouvais que c'était un pas vers l'avant. Puis aussi, d'accepter que ton anxiété ne va pas disparaître. Puis ça, moi au départ quand j'étais plus jeune, je rêvais de ne pas être anxieuse. Tsé, comme moi je dis tout le temps à mon chum : « Ah, j'aimerais tellement ça être comme toi, tu n’es pas anxieux ». L'affaire, c'est que ça n'arrivera jamais, ma belle. Tu vas tout le temps être anxieuse un peu. La seule différence, c'est que tu as appris à contrôler cette anxiété-là, qui n'est pas un défaut, soit dit en passant, parce que…
Anne-Élisabeth Bossé : [00:10:43] Il y a des bons côtés.
Claudie Mercier : [00:10:44] Bien mon Dieu, mais tellement. Moi, mon anxiété m'a créé encore plus d'empathie pour les autres. Je suis bien plus créative. Mon cerveau, il va tellement à 100 à l'heure puis je m'imagine tellement de scénarios que ma créativité là, elle est through the roof. Non, non, mais pour vrai, c'est comme… c'est beau pareil, là, tsé dans le sens que moi je suis vraiment contente. Pour vrai, c'est vraiment bizarre à dire, mais moi je suis contente d'être passée par là.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:11:05] Bien oui, bien oui.
Claudie Mercier : [00:11:06] Parce que la forge la femme que je suis aujourd'hui. Puis je suis tellement plus forte, je suis tellement plus genre… plus moi-même étrangement.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:11:13] Puis aussi en fait, la différence, c'est que tu disais que ça a pris le contrôle de ton corps, puis là, c'est toi qui as réussi à reprendre le contrôle là-dessus. Puis de dire « oui, je suis quelqu'un qui expérimente des troubles anxieux. Je ne suis pas que l'anxiété. L'anxiété, je sais que ça fait partie de moi, mais pas que j'ai les rênes dessus là, mais tsé, je le cadre, je le paramètre, puis c'est ça, ça ne m'envahit plus au point de me désorganiser puis d'être plus fonctionnelle », tsé.
Claudie Mercier : [00:11:35] Bien, tellement. Puis moi ce qui m'aide, c'est de me parler à voix haute, là, vraiment.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:11:38] Oui, c'est ça. As-tu des petits trucs très, très concrets, de base pour... comme te parler à voix haute, tu fais ça.
Claudie Mercier : [00:11:44] Ah, mais tout le temps. Genre, admettons que je suis dans ma voiture, puis je sens une petite panique monter là, le monde ils auront beau dire ce qu'ils voudront là, je suis une folle au volant, mais je me dis : « Claudie, ça va bien. Tu le sais que c'est juste de l'anxiété, c'est des symptômes normal de l'anxiété. Si ton cœur bat plus vite, ce n’est pas parce que tu vas faire une crise de cœur, c'est complètement normal, c'est une réaction chimique du corps ».
Anne-Élisabeth Bossé : [00:12:05] Puis ça, ça t'aide de t'entendre dire ça, OK.
Claudie Mercier : [00:12:08] Oui. Parce que même si je me le dis dans ma tête, on dirait que mon cerveau ne l'assimile pas.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:12:11] Oui, la voix intérieure, ce n’est pas la même chose, hein.
Claudie Mercier : [00:12:14] C’est ça. Mais moi, mon psychologue, puis j'en ai découvert un qui m'a vraiment beaucoup, beaucoup aidée justement, puis ça, c'était un de ses trucs. Il était comme : « Pour vrai, dis-le à voix haute. Ton cerveau là, tu vas le manifester, il va comprendre ce que tu lui dis ».
Anne-Élisabeth Bossé : [00:12:26] Tu vas t'entendre le dire là, puis ça va rentrer.
Claudie Mercier : [00:12:28] C’est ça. Exact. Je me parle à moi-même beaucoup, ça l’aide vraiment. Aussi, ce que mon psy m'avait donné comme conseil, c'est que si admettons que je fais une crise de panique pendant je suis sur la route, c'est de partir une toune que j'aime et que je connais par cœur, puis de la chanter. Parce qu'il dit que quand tu chantes, tes poumons s’ouvrent, de quoi de même, fait que ça t'aide à mieux respirer par la suite.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:12:48] J'aime donc bien ça, ce truc-là!
Claudie Mercier : Avoue, hein?
Anne-Élisabeth Bossé : [00:12:50] C'est complètement. C'est super concret, c'est facile à faire. Tu peux faire ça n'importe où, ça ne coûte rien.
Claudie Mercier : [00:12:55] Exactement. Bien, c'est ça. Fait que tsé, c'est plus genre… me pars pas une musique que tu ne connais pas. Vraiment, pars une musique par cœur que tu connais, comme ça, tu vas chanter par-dessus. Ou tsé, un truc que tout le monde probablement connaît, mais admettons, moi si je suis sur la route, si je suis anxieuse, je vais faire « OK. Sur tel panneau, il est écrit telle chose ».
Anne-Élisabeth Bossé : [00:13:12] La pancarte est rouge.
Claudie Mercier : [00:13:13] Oui, c'est ça.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:13:14] Tu dis des affaires qui existent.
Claudie Mercier : [00:13:15] Je nomme des affaires, je touche des affaires, ça, ça m'a beaucoup aidée. Aussi, quand tu es anxieux/anxieuse, faut que tu repousses tes limites. Il faut vraiment que tu te forces à le faire. Puis admettons moi, je suis une fille admettons qui a peur de l'incontrôlable. Donc admettons, tout ce qui est quand tu prends l'avion, moi j'ai peur de ça parce que j'ai peur vu que je ne suis pas au volant puis tout. Ça fait que là, j'étais comme… j'ai sauté en parachute quand même, tu comprends?
Anne-Élisabeth Bossé : [00:13:39] Ah oui, tu vas de l'autre bord?
Claudie Mercier : [00:13:40] Oui, oui, moi je vais de l'autre bord. Parce que moi après ça, ça me fait tellement sentir vivante. C'est un sentiment d'euphorie, puis on dirait que ça me calme après. Je suis comme « eille, j'ai sauté en parachute. Calme-toi, tu es assis sur ton divan, tu n’as pas à être stressé ». Tu comprends?
Anne-Élisabeth Bossé : [00:13:52] Mais c'est vrai. Non, mais tu élargis ton spectre d'expériences.
Claudie Mercier : [00:13:55] De peurs, genre.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:13:56] OK, je comprends.
Claudie Mercier : [00:13:57] Souvent les personnes anxieuses, ils ne veulent pas repousser leurs limites, c’est parce qu'ils ont peur d'avoir peur, puis je les comprends. Parce que moimême j'ai peur de mon ombre. Mais l’affaire, c'est que, quand tu passes au-delà de cette peur-là et au-delà de tes limites là, c'est là que tu vas aller toucher quelque chose.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:14:11] Il y a une clé là, là.
Claudie Mercier : [00:14:14] Tellement! Puis que ce soit… Puis en passant, ça peut être… là, moi c'est extrême, là. Mais admettons, ça peut être : « Moi, j'ai peur des hauteurs, je vais aller faire un arbre en arbre », tu comprends?
Anne-Élisabeth Bossé : [00:14:23] Pas nécessairement un harnais sur la tour du CN, là.
Claudie Mercier : [00:14:26] Non, c'est ça là.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:14:27] Puis, on peut y aller graduellement, c'est parfait. Puis ça c'est cool. Je comprends.
Claudie Mercier : [00:14:31] Non, mais tellement. Puis tsé, si tu as peur de prendre la voiture, va-t'en pas te mettre sur l'autoroute en plein trafic, non?
Anne-Élisabeth Bossé : [00:14:38] Non, au Texas avec six voies avec minimum 120…
Claudie Mercier : [00:14:40] Et mon Dieu, ça serait mon cauchemar, là. Complètement cauchemardesque pour moi.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:14:43] Et moi donc. Je le nomme, puis je ne suis pas bien.
Claudie Mercier : [00:14:46] Tu es-tu anxieuse au volant?
Anne-Élisabeth Bossé : [00:14:47] Moi, c'est ma place.
Claudie Mercier : [00:14:48] Ah pour vrai?
Anne-Élisabeth Bossé : [00:14:48] Puis moi, je n’ai pas surmonté ça encore. Puis ça, je trouve ça super plate.
Claudie Mercier : [00:14:52] Bien, ça va arriver.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:14:53] Oui, mais j'aime… bien en tout cas, je t'entends, puis on dirait que je prends plein de petites notes intérieures.
Claudie Mercier : [00:14:58] C'est quoi… excuse, on dirait que c'est quasiment notre thérapie. Mais admettons, c'est quoi qui te fait peur quand tu es au volant, admettons?
Anne-Élisabeth Bossé : [00:15:04] Moi, c'est fou parce que ce n’est pas comme toi. Moi, je n’ai pas peur des autres, moi j'ai peur de moi. Moi, j'ai des rêves où je fonce dans des affaires.
Claudie Mercier : [00:15:12] Ah! Bien, tu as des pensées intrusives?
Anne-Élisabeth Bossé : [00:15:13] J'ai des pensées intrusives. Ça fait que moi, j'ai peur d'avoir un geste complètement irrationnel au volant, de manquer de jugement. Admettons l'autoroute, admettons une sortie ou une entrée, « J’y vais-tu? J’y vais-tu? J’y vais-tu? Je n’y vais pas! » Je freine. Voyons donc! Non, puis le monde dans l'auto, ils font comme « Tu fais tout sauf ça ». J'ai peur de ne pas avoir les bons réflexes, alors que je pense que je suis quelqu'un qui fonctionne bien dans la vie.
Claudie Mercier : [00:15:34] Bien à date, tu ne m'as pas sacré de coup de poing dans la face, ça fait que ça devrait bien...
Anne-Élisabeth Bossé : [00:15:36] Crime, c’est une affaire. Ça, ce n’est jamais arrivé encore, voilà. Je me mets un A+ là-dessus.
Claudie Mercier : [00:15:40] Ce n’est jamais arrivé!
Anne-Élisabeth Bossé : [00:15:42] Non, tu as raison! Les chances sont de mon bord, là, que j'aie des bons réflexes. Mais c'est là que mon cerveau va. J'aimerais ça. J'aimerais ça passer par-dessus ça, je vais te dire. Je serais bien fière de moi.
Claudie Mercier : [00:15:50] Mais moi, je suis sûre que tu vas passer par-dessus puis tu vas...
Anne-Élisabeth Bossé : [00:15:52] Mais, je réalise en jasant qu'il y a toujours tellement d'affaires à dire et qu'il nous manque encore plein de clés et d'infos sur le sujet. Donc je te propose d'accueillir Simon Coulombe. Et là je vais, je ne veux pas manquer, je veux le dire comme il faut...
Claudie Mercier : [00:16:04] Tu vas être tellement bonne! Tu n’auras pas le réflexe de dire autre chose.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:16:07] Mais Simon Coulombe, je pense que je le sais. J'ai hâte de le recevoir. Titulaire dans la Chaire…
Claudie Mercier : [00:16:13] Non mais vas-y, recommence, tu es bonne!
Anne-Élisabeth Bossé : [00:16:15] On va inviter Simon Coulombe, titulaire de la Chaire de recherche en santé mentale, autogestion et travail de l'Université Laval.
Claudie Mercier : [00:16:23] C'est l'université à laquelle je suis allée.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:16:25] Mon Dieu, mais tout est dans tout!
Claudie Mercier : [00:16:26] C'est donc bien cool!
[00:16:27 BUMPER TRANSITION]
Anne-Élisabeth Bossé : [00:16:32] Simon Coulombe, merci tellement d'être avec nous aujourd'hui.
Simon Coulombe : Ça fait plaisir.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:16:37] Tu as un doctorat en recherche en psychologie, ce qui fait de toi un chercheur en psychologie. Est-ce qu'on peut démystifier la différence entre être stressé, avoir un tempérament anxieux et vivre un trouble anxieux ou, comme Claudie, avoir un diagnostic de trouble anxieux généralisé qu'on appelle le TAG?
Simon Coulombe : [00:16:53] Oui, bonne question. C'est sûr que le TAG, c'est un trouble anxieux spécifique dans la famille des troubles anxieux. Fait que dans le DSM actuel, donc le fameux guide des maladies mentales, il y a le trouble d'anxiété généralisée, il y a le trouble panique avec ou sans agoraphobie, il y a les phobies spécifiques, genre quelqu'un qui a peur, je ne sais pas, des chiens par exemple ou de l'avion. Ça aussi, ça peut être considéré comme un trouble anxieux. Donc il y a plusieurs troubles. Et ensuite, la différence entre stress et anxiété, le stress c'est des choses qu'on vit dans la vie de tous les jours. C'est un signe qu'il y a quelque chose qui se passe dans notre environnement, dans notre vie, auquel on doit s'adapter, réagir. Donc c'est juste un processus normal qui nous donne des signes qu'il y a quelque chose qui se passe, qu'il faut qu'on fasse. Donc le stress peut-être très positif aussi.
[00:17:42] Puis c'est lorsqu’on est stressé à répétition, à répétition, et que ça surcharge nos capacités cognitives, nos capacités d'adaptation émotionnelle aussi que, là, ça peut se développer sous forme de trouble. Et bon après ça, l'anxiété aussi, on peut la voir aussi sur un continuum. Puis justement, quand les médecins ou les psychiatres diagnostiquent des troubles anxieux, bien, il y a une série de critères à respecter. Donc il faut que la personne vive de l'anxiété pendant plus de tant de jours de suite ou plus. Et il y a beaucoup aussi le critère du fonctionnement. C'est une question de savoir est-ce que ton anxiété t'empêche de fonctionner au quotidien, crée une des problématiques dans tes relations avec les autres ou au travail, par exemple. Ton fonctionnement social, est-ce qu'il est affecté ou non, puis c'est ça qui va déterminer, tsé, est-ce qu'on est dans une zone de plus d'anxiété non pathologique versus une zone de trouble?
Anne-Élisabeth Bossé : [00:18:30] Oui, oui.
Claudie Mercier : [00:18:30] Je pense que les gens qui écoutent ça vont pouvoir vraiment faire la différence.
Simon Coulombe : [00:18:34] Et c'est sûr que la zone n’est pas toujours si claire pour nous en tant que grand public. Savoir est-ce que je vis de l'anxiété aujourd'hui ou est-ce que je suis un trouble anxieux?
Anne-Élisabeth Bossé : [00:18:43] Oui, les frontières sont un petit peu floues, quand même là.
Simon Coulombe : [00:18:46] C’est plus un peu floues, puis ça varie d'une période à l'autre de la vie. Tsé comme moi, quand j'étais adolescent, j'ai été diagnostiqué avec le trouble obsessif compulsif qui, à l'époque, était considéré comme un trouble anxieux. Tsé, je considère encore que je vis avec ce trouble-là, mais à cause des traitements que j'ai subis et que je prends une médication, etc., je ne considère pas que ça affecte mon fonctionnement au quotidien. Mais tsé, je me considère encore comme vivant avec ce trouble-là.
Claudie Mercier : [00:19:12] Mais admettons là, tsé, vu que moi en ce moment, admettons, j'ai été diagnostiquée avec un trouble d'anxiété généralisée OK, mais là en ce moment, ma vie va bien, tsé, je suis sous médication, ça n’affecte plus ma vie comme avant. Je vis encore avec mon TAG ou pas?
Simon Coulombe : [00:19:26] Ça, je pense que c'est… puis un médecin ou un psychiatre ou un psychologue pourrait avoir une vision différente de la mienne, mais moi je pense qu'après ça, ça devient quasiment une perspective personnelle.
Claudie Mercier : [00:19:33] OK, oui.
Simon Coulombe : [00:19:34] Tsé, il y a beaucoup…
Anne-Élisabeth Bossé : [00:19:35] Comment tu te présentes, si tu le vis comme une étiquette ou non.
Simon Coulombe : [00:19:38] C'est ça. Il y a beaucoup tout ce dont on parle depuis, puis je vous écoutais parler un peu, tsé, on parle des symptômes d'anxiété, tu as un côté très médical, mais il y a tout un volet dans… On le voit beaucoup dans les recherches aussi en santé mentale, un volet qui est plus axé sur le rétablissement personnel. Tsé comment, en tant que personne qui vit avec des difficultés de santé mentale, que ce soit de l'anxiété ou autre, comment ça en vient à te redéfinir ou à te définir? Est-ce que tu te définis… comme ça fait partie de ton identité? Est-ce que tu es capable de voir que c'est juste une petite partie de toi, mais que tu as plein d'autres qualités ou d'autres défauts, whatever.
[00:20:13] Mais donc, il y a toute cette question-là qui est plus le rétablissement personnel et dont on ne parle pas beaucoup, mais qui est plus, moi je pense que c'est un peu à ce niveau-là à savoir, tsé, est-ce que dans cinq ans, je ne sais pas, tu vas continuer à te présenter comme quelqu'un qui vit avec de l'anxiété ou pas. Tsé, depuis tantôt on parle d'anxiété, de détresse, d'aspects plus négatifs de la santé mentale, de quand ça ne va pas. Puis tsé, depuis les années 50, entre autres avec l'après-guerre, il y a beaucoup, beaucoup des travaux d'études qui ont été faites sur comment aider les gens qui ne vont pas bien. Mais vers les années 2000, en psychologie et dans des champs connexes, justement quelqu'un a dit « mais ce n’est pas normal qu'on sache tellement d'affaires sur ce qui ne va pas bien, mais qu'on ne comprenne pas qu'est-ce qui fait que certaines personnes vont bien ».
Anne-Élisabeth Bossé : [00:20:54] Oh mon Dieu, le prendre de l'autre bord.
Simon Coulombe : [00:20:55] Donc la santé mentale positive.
Claudie Mercier : [00:20:56] C'est cool, j’aime ça!
Simon Coulombe : [00:20:57] La question de santé mentale positive, c'est d'aller voir qu'est-ce qui fait que la vie vaut la peine d'être vécue? Qu'est-ce qui fait que je trouve un sens dans mon quotidien, dans ma vie? Qu'est-ce qui fait que je m’actualise, tsé, que je me développe, que je peux être mon vrai moi comme personne, que je peux contribuer à la société, etc. Puis les travaux suggèrent que… bien, beaucoup d'études montrent que ce n'est pas juste l'inverse. On peut vivre avec de l'anxiété, mais quand même arriver à trouver un sens ou s'actualiser comme personne. Vice versa, on peut… Il y a des personnes qui ne trouvent pas de sens de santé mentale positive dans leur vie, mais qui ne sont pas nécessairement en dépression ou anxieuses pour autant. On appelle ça un état un peu de… en anglais, de languishing. Languishing, comme de languissement. Tsé, cette idée que ta vie n’est peut-être pas comme au top, mais…
Anne-Élisabeth Bossé : [00:21:45] Que peut-être accentuée par la pandémie?
Simon Coulombe : [00:21:48] Oui. Il y a des articles écrits sur ça. Donc la santé mentale positive, c'est un peu d'aller essayer de travailler ce côté-là, mais de voir aussi comment il interagit avec la santé mentale négative, l'anxiété, la dépression, puis de mieux comprendre que ce n’est pas parce qu'on travaille beaucoup sur aider quelqu'un à se sentir mieux au niveau de ses symptômes de détresse, admettons, ou d'anxiété qu'elle va nécessairement être heureuse dans la vie.
Claudie Mercier : [00:22:11] C’est donc bien bon.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:22:12] Oui, hein, moi aussi ça me parle. Il y a quand même une petite épiphanie, là, dans ce qui vient de se dire. C'est important qu'on en parle. Il y a une phrase qui revient beaucoup quand on lit ton parcours, tes études, c'est de remettre la personne au cœur de son rétablissement. Ce que je trouve super clair, puis en même temps, pas clair. Comment tu dirais ça, là, remettre la personne au centre de son rétablissement?
Claudie Mercier : On ne connaît pas trop.
Anne-Élisabeth Bossé : Il y a quoi, une prise de pouvoir sur… Comment tu décrirais ça, tsé?
Simon Coulombe : [00:22:35] Tsé, qu'est-ce qu'on fait quand quelqu'un vit de l'anxiété ou de la dépression ou un trouble de santé mentale, qu'est-ce qu'on lui dit? « Va voir ton médecin, puis va voir un psychologue ». C'est souvent ça qu'on dit.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:22:43] C'est vrai.
Claudie Mercier : C’est vrai.
Simon Coulombe : [00:22:44] Puis je ne suis pas contre, là. C'est la première chose à faire, ça c'est sûr, ou une des premières choses à faire. Mais il n'y a pas que ça, tsé. Et puis les médecins, oui les psychologues, les psychiatres, tous les intervenants, oui ils sont experts des aspects médicaux, des aspects d'intervention, des aspects psychologiques, mais ils ne sont pas nécessairement experts de la condition du rétablissement de chaque personne. Donc, il y a cette idée-là, de plus en plus, d’au lieu de voir comme le patient comme quelqu'un qui se fait prescrire une thérapie ou un médicament, bien, c'est de travailler plus avec la personne. Au-delà de la considérer comme un patient, de la voir comme une personne qui a des forces, des qualités, des défauts, une vie en plus d'un trouble, puis de voir comment la personne peut être aussi active dans ses choix de traitements, ses choix d'autres stratégies qu'elle peut mettre en place pour aller mieux, etc.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:23:30] Qu'elle ne fasse pas que subir, bref.
Simon Coulombe : [00:23:32] Exactement. Et qu’elle ait du pouvoir dans son propre traitement.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:23:35] On l’a abordé un petit peu tantôt. Oui, on parle de plus en plus de santé mentale, il y a plein de compagnies qui en parlent, mais trouvez-vous qu'on en parle bien? Y a-t-il une bonne façon d'en parler, d'abord? Et trouves-tu que ce qu'on entend dans les médias ou ce qui est mis de l'avant, c'est une bonne façon de parler de santé mentale?
Simon Coulombe : [00:23:51] C'est une bonne question.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:23:52] C'est que… oui, c'est complexe, là.
Simon Coulombe : [00:23:54] J'ai comme… il y a comme une ambiguïté ou j'ai des sentiments mixtes par rapport à ça. Tsé, je trouve ça vraiment cool, bien, qu'on en parle aujourd'hui, puis le contenu, je pense que ça démocratise, ça aide à déstigmatiser et, ça, c'est essentiel. Des fois, j'aimerais ça qu'on en parle plus en profondeur. Tsé, qu'on y aille au-delà… puis un peu comme aujourd'hui, c'est le fun parce que ça nous permet de faire ça, d'aller au-delà des trucs plus sensationnalistes. Je pense que la manière dont on en parle, on en parle plus, on en parle, mais souvent, je trouve que c'est des jours réservés. Tsé, il y a des jours dans l’année…
Anne-Élisabeth Bossé : [00:24:24] Oui, c’est une journée dans l'année.
Simon Coulombe : [00:24:26] Ou deux ou trois.
Claudie Mercier : [00:24:26] C’est vrai!
Anne-Élisabeth Bossé : [00:24:27] C’est vrai!
Simon Coulombe : [00:24:28] Puis, il y a souvent des aspects économiques associés à ces journées-là.
Claudie Mercier : [00:24:31] 100 %.
Simon Coulombe : [00:24:31] Je n’ai pas de problème, mais tsé, tu peux te dire pourquoi c'est juste cette journée-là, puis pourquoi ce n’est pas intégré, la santé mentale. Tsé, il y a certains pays, il y a un ministère de la Santé mentale ou un ministre de la Santé mentale, admettons. Donc que ça soit plus intégré, qu'on en parle plus en profondeur au-delà des idées reçues, je trouve. Mais on s'en va vers ça, mais je trouve que c’est ce que je souhaite.
Claudie Mercier : [00:24:50] Mais, je veux rajouter quelque chose parce que, par rapport à ta question, ça m'a comme sonné une cloche, puis aussi par rapport à ce que tu disais. Moi des fois, je suis sur TikTok, bien tout le temps, en fait. Puis tsé des fois, il y a des gens qui vont en parler, mais admettons ils vont dire « tu es anxieuse si tu as ces 5 symptômes » admettons. Genre, « baisse un doigt, si… », je ne sais pas, « …tu es agoraphobe en public », tsé, des trucs comme ça. Fait que c'est comme… c'est touchy des fois, parce que c'est comme, il ne faut pas que non plus les gens s'autodiagnostiquent, tsé.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:25:21] Oui, ça aussi c'est fréquent dans la vie.
Claudie Mercier : [00:25:22] C’est comme, c’est bien d'en parler, puis je suis d'accord avec toi à 100 % là, tsé. Je veux dire, moi je veux tout le temps en parler. Puis tsé, quand je parle de la médication, je dis tout le temps « c'est pas comme… ce n’est peut-être pas votre solution à vous, ça a été ma solution à moi ». Tsé, je pense qu'il y a une différence entre parler de son expérience personnelle, puis de parler de trucs pour les autres. Je ne sais pas si ça fait du sens?
Anne-Élisabeth Bossé : [00:25:41] Bien, je pense que de ne pas se présenter comme spécialiste quand on n’en est pas un, c’est déjà un bon angle. Mais tu penses-tu que ça… bien, c'est sûr que oui, mais je veux t'entendre le dire… que l'impact justement de l'angle des TikTok de Claudie chez les jeunes, c'est sûr que c'est manifeste. C'est sûr que c'est concret?
Simon Coulombe : [00:25:57] J'avoue que je n’ai pas regardé d'études sur les TikTok de Claudie.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:25:59] Non, non, mais ton opinion.
Claudie Mercier : Voyons, pourquoi?
Simon Coulombe : [00:26:01] Oui mais non, mais mon opinion c'est sûr que…
Anne-Élisabeth Bossé : [00:26:03] Mais moi, j’imagine que tu es tellement suivie par plein de jeunes, je veux dire, c'est ça que juste d'en parler, c'est ça que je veux dire, que ça a un impact.
Simon Coulombe : [00:26:09] Il y a beaucoup de théories sur la stigmatisation en santé mentale, de travaux de recherche en théories qui parlent de l'importance du contact avec d'autres personnes qui vivent ou qui ont vécu des troubles. Donc tsé le contact en 2023, ça peut être un contact vidéo virtuel, surtout que vous êtes, les influenceurs, ou je ne sais pas si tu te définis comme ça mais...
Claudie Mercier : [00:26:26] Influenceur, créatrice de contenu, tout le kit, là.
Simon Coulombe : [00:26:26] Créatrice de contenu, vous êtes quand même proche, là. C'est comme si on devient vos amis.
Anne-Élisabeth Bossé : Bien c’est ça.
Simon Coulombe : [00:26:31] Fait que c’est la même chose qu'un contact réel à la limite, à quelques exceptions. Donc j'imagine qu'il y a des impacts en matière de déstigmatisation.
Claudie Mercier : [00:26:38] Tsé, moi ça m'aide là, comme je le disais tantôt.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:26:41] C'est donnant-donnant.
Claudie Mercier : [00:26:42] D’en parler, pour moi, c'est quasiment plus une thérapie qu'autre chose, là, tsé.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:26:45] On en a parlé un peu avec Claudie. Qu'est-ce que tu suggérerais comme trucs?
Simon Coulombe : [00:26:49] J'adore cette question-là parce que je m'intéresse beaucoup au concept d'autogestion. Qu'est-ce que les personnes… quelles stratégies les personnes peuvent mettre en place dans leur quotidien. Bien, il y en a une panoplie de stratégies et tu en es listées tantôt. La méditation, c’est sûr. La méditation pleine conscience, entre autres. Mais il y a plein, plein, plein de travaux sur l'efficacité de la pleine conscience. Puis après ça, bien, on peut la faire de différentes façons. Le contact avec la nature, les animaux, les amis, etc., ça rentre en ligne de compte. Activités physiques, bonnes habitudes de vie. C'est sûr que…
Anne-Élisabeth Bossé : [00:27:18] Sans tomber dans l'excès, oui.
Simon Coulombe : [00:27:21] C’est ça, oui. Puis c'est sûr que, comme tu disais je pense plus tôt, ça se peut que des fois on ait besoin de plus. Tsé, c'est en fonction du niveau de symptômes ou d'anxiété, puis de comment ça affecte ton fonctionnement, que des stratégies comme ça vont pouvoir être suffisantes, peut-être, à un certain niveau d'anxiété, mais que lorsque l'anxiété devient plus, admettons, modérée à plus sévère, là c'est sûr qu'aller chercher des traitements comme la psychothérapie ou la médication, dépendamment ou souvent en combinaison, peut vraiment aider justement aller, comme, permettre à la personne de souffler puis de mettre en place d'autres stratégies.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:27:56] Sortir la tête de l'eau, puis après…
Simon Coulombe : [00:27:58] C’est ça. Mais nous, on est souvent plus en autogestion dans les idées. L'idée, ce n’est pas tant qu'on peut recommander une stratégie à tout le monde, mais c'est plus que chaque personne devrait développer un peu ses stratégies qui lui plaisent. Tsé, un peu comme, admettons, pour prendre soin de sa santé physique, admettons, si on prend juste le sport, si je ne dirai pas à tout le monde d'aller jouer au tennis parce que peut-être qu'il y en a la moitié que ça n'intéressera pas.
Claudie Mercier : [00:28:20] C’est vrai.
Simon Coulombe : [00:28:20] Mais c'est la même chose. Tsé, pour prendre soin de ta santé mentale, bien, je ne sais pas toi, c'est quoi.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:28:25] Qu’est-ce qui te fait du bien, toi? Mettre la personne au cœur de son rétablissement.
Simon Coulombe : [00:28:28] C’est ça! Qu’est-ce qui te fait du bien, mais donnes-toi la chance d'essayer, tsé. Ce n’est pas comme… ça se peut que ce soit des choses que tu fais depuis 20 ans puis qu'il faut juste que tu continues à les faire. Ça se peut que tu réactives. On essaie beaucoup ça aussi, le réactivation des choses que tu as faites, mais que tu as peut-être arrêté de faire parce qu'il est arrivé quelque chose ou parce que c'est plus difficile, mais que ça te prend un petit boost de motivation. Ou des choses nouvelles. Essayer des choses nouvelles, puis voir, un peu être à l'écoute un peu de tes symptômes, de ton anxiété puis voir quel effet ça te fait, ça, tsé de faire cette activité-là ou de faire…
Anne-Élisabeth Bossé : [00:28:57] De l'essai-erreur en fonction de.
Simon Coulombe : [00:28:58] C’est ça, essai-erreur. Puis après ça, il y a toute la question de, tsé, on sait tous que d'essayer de changer les habitudes de vie ou des choses qu'on fait au quotidien, ce n’est pas facile. Parce que, je veux dire, la vie étant ce qu'elle est, un tourbillon de choses, de personnes autour, de choses à faire, donc d’essayer d'y aller graduellement. Tsé, se dire « je ne vais pas essayer de faire douze affaires cette semaine, là ». Surtout si je suis anxieux/anxieuse, des fois, les anxieux/anxieuses ont tendance à avoir de hautes attentes parfois.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:29:24] Être perfectionniste aussi.
Simon Coulombe : [00:29:26] Donc c'est ça. C'est facile de se dire « je vais essayer douze choses cette semaine pour aller mieux », mais là…
Anne-Élisabeth Bossé : [00:29:32] Je vais les faire tous les jours.
Simon Coulombe : [00:29:33] Tous les jours. Mais là après deux jours, quand tu ne les fais pas, là tu es découragée.
Claudie Mercier : [00:29:36] Oui, je suis de même!
Simon Coulombe : [00:29:37] Puis tu te juges de ne pas l'avoir fait.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:29:38] C’est ça, tu te rajoutes une couche.
Simon Coulombe : [00:29:40] De mettre une chose, puis se dire « tsé, comment je vais le faire, quel jour, avec qui, c'est quoi les facilitateurs, les barrières ». Ça a l'air un peu de base, mais juste d'essayer d'organiser sa vie autour d'un petit peu cette chose-là pendant une semaine, voir comment ça va.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:29:53] C’est de base, mais on l'oublie tellement. Puis c'est vrai que quand on part avec… c’est comme les résolutions, là.
Claudie Mercier : Ah oui, oui!
Anne-Élisabeth Bossé : [00:29:57] On part avec des grandes, grandes ambitions d'être réaliste et puis d'être en contact avec ce dont on a vraiment besoin, ce qu'on veut. Faire du sport tous les jours, peut-être pas là. Pourquoi il faut que ça soit de 0 à 1000 tout le temps?
Simon Coulombe: [00:30:07] Aussi, les personnes anxieuses, il y a quand même une bonne… on appelle ça la comorbidité. C'est la coexistence entre l'anxiété et puis un autre trouble. Donc anxiété et dépression sont quand même coexistants souvent, là.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:30:16] Ah oui, hein!
Simon Coulombe: [00:30:17] Donc de se mettre des très hautes attentes puis d'être déçu, bien, ça peut aussi comme nourrir aussi un genre de cycle de dévalorisation, d’aller plus… de tomber plus dans des émotions, des états un peu de déprime aussi. Donc, de faire attention à ça. Puis c'est un exemple, mais tsé, je pense que les personnes anxieuses ont tendance à se juger sévèrement. Donc, de ne pas essayer de...
Anne-Élisabeth Bossé : [00:30:41] Elles doivent se reconnaître au moment où on parle.
Claudie Mercier : [00:30:42] Mais tellement.
Simon Coulombe : Je me reconnais.
Claudie Mercier : Je me reconnais aussi.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:30:45] Je me reconnais aussi, qu’est-ce que tu en penses!
Claudie Mercier : [00:30:46] C’est sûr. Ah oui, oui. Moi, je suis la première à me… [tape sur la tête]. Je veux tout le temps trop en faire, comme tu as dit. Tsé, je suis le genre de personne qui veut tout le temps être à son 150 %. Si je ne suis pas capable d’être à mon 150 %, c'est sûr que ce n’est pas pour moi.
Anne-Élisabeth Bossé : Ah oui. Être son pire ennemi.
Claudie Mercier : [00:30:59] Mais je suis vraiment de même.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:30:58] Merci tellement pour ces discussions si profondes et à cœur ouvert sur le sujet qui m'ont, mon Dieu, concrètement vraiment aidée. On va finir avec toi Claudie. Il y a-tu quelqu'un qui a vraiment été… pas un pivot, là, mais qui a été un grand, grand support dans cette aventure-là d'anxiété?
Claudie Mercier : [00:31:14] Mon Dieu, c'est tellement cute! Bien honnêtement, je pense que je vais dire mes deux parents.
Anne-Élisabeth Bossé : Oui?
Claudie Mercier : [00:31:17] Sincèrement, je sais que ce n'est pas juste une personne là, mais mes deux parents qui ont vraiment été là pour me soutenir, qui ne m'ont jamais jugée. Quand j'étais en arrêt de travail dû à l'anxiété, ils n’étaient pas comme « tu dois retourner travailler ». Tsé, mes parents, ils étaient vraiment conscients de mon anxiété, ils faisaient juste m'écouter. Ce dont j'avais le plus de besoin.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:31:39] Merci Claudie, merci Simon.
Simon Coulombe : Merci de l’invitation.
Claudie Mercier : [00:31:41] Merci à toi aussi. En fait, mais merci à tout le monde.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:31:45] Merci beaucoup.
[00:31:45 MOMENT SAVIEZ-VOUS QUE BÉNÉVA]
Claudie Mercier has no issue talking about her anxiety disorder. Her tips have piqued Anne-Élisabeth’s curiosity! Simon Coulombe, psychology researcher, joins the discussion with an inspiring treatment approach: positive mental health.
Animation : Anne-Élisabeth Bossé
Claudie Mercier
Resources:
Anne-Élisabeth Bossé : [00:00:00] Salut, je m'appelle Anne-Élisabeth Bossé et bienvenue au balado de Beneva : Ça arrive à tout le monde. Parce que Beneva, c'est vraiment du bon monde, on a fait aller notre réseau de contacts pour créer des rencontres mémorables. À chaque épisode, je rencontre un invité pour jaser de ce qui arrive dans sa vie.
[00:00:16] Et aujourd'hui, notre sujet, ça touche malheureusement beaucoup trop de monde, c'est l'anxiété. Pour en parler, je reçois Claudie Mercier qui est influenceuse, animatrice, créatrice de contenus et qui vit elle-même avec un trouble anxieux. Et pour nous aider à mieux comprendre, j'ai aussi fait appel à un pro qui s'appelle Simon Coulombe, qui est titulaire de la Chaire de recherche en santé mentale à l'Université Laval. Donc, je pense qu'il devrait être bon pour nous éclairer sur le sujet. On part ça!
[00:00:40 BUMPER INTRO]
Anne-Élisabeth Bossé : [00:00:50] Claudie, merci tellement d'être là.
Claudie Mercier : [00:00:52] Bien, merci de me recevoir.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:00:53] Je suis vraiment ravie de t'avoir devant moi.
Claudie Mercier : [00:00:56] Moi aussi!
Anne-Élisabeth Bossé : [00:00:57] Yé! Bon, je sais que tu as fait Occupation double en 2019.
Claudie Mercier : [00:01:01 :00] Oui.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:01:01:30] Oui, ça on le sait, que tu as une chaîne YouTube qui a de plus de 128 000 abonnés. Wow! En plus de ton TikTok qui a 1.2 million d'abonnés, en plus de toi-même animer un balado qui s'appelle Perceptions sur les gens qui ont des parcours de vie atypiques.
Claudie Mercier : [00:01:14] Exactement.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:01:15] C'est tout ça que moi je sais de toi. Mais, je sais aussi maintenant que tu as un trouble anxieux, que tu vis avec ça et que tu en parles ouvertement.
Claudie Mercier : [00:01:22] Oui.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:01:23] Fait que c'est pour ça que tu es là aujourd'hui. Puis je voulais savoir, en fait, comment ça avait affecté et comment ça affecte encore ta vie, ton trouble d'anxiété généralisée?
Claudie Mercier : [00:01:31] Bien, en fait, moi toute ma vie, je pense que j'étais une personne super anxieuse, mais sans le savoir avant d'être diagnostiquée. Donc moi j'étais jeune, j'étais anxieuse de m'endormir parce que je pensais que j'allais mourir dans mon sommeil.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:01:45] Admettons, à quel âge à peu près, là?
Claudie Mercier : [00:01:46] Genre 9 ans.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:01:47] OK, genre tôt là.
Claudie Mercier : [00:01:48] Oui. Oui, oui, très tôt, là. Tsé moi quand j'étais jeune, j'avais peur d'avoir le cancer. J'avais écouté un film sur la leucémie, je pensais que j'allais avoir ça. Ça a tout le temps affecté ma vie dans le sens que, au départ, c'était très stable. Tsé, quand j'allais à l'école, mes idées se changeaient, donc je n’étais pas anxieuse à ce moment-là. Jusqu'à tant que j'arrive au cégep. Donc, admettons tout mon secondaire, ça a vraiment bien été. Mon primaire aussi. Tsé, c'était plus au moment de me coucher, quand je n’avais rien à faire que, là, j'étais vraiment anxieuse, puis tac tac tac tac tac. Je respirais de même, admettons.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:02:18] Oui.
Claudie Mercier : [00:02:19] Puis quand je suis arrivée au cégep, justement, là ça s'est mis à être vraiment plus intense. Quand j'allais travailler, je faisais des crises de panique sur le… pendant que j'étais en voiture parce que j'avais peur de m'évanouir pendant que je conduisais. J'avais peur de justement faire des crises de panique au travail. Donc...
Anne-Élisabeth Bossé : [00:02:35] Toutes les zones étaient un peu affectées, là.
Claudie Mercier : [00:02:36] Ash mon Dieu! Bien oui, à partir du cégep là...
Anne-Élisabeth Bossé : [00:02:36] Les transports, la job, le sommeil.
Claudie Mercier : [00:02:39] Ah oui, oui!
Anne-Élisabeth Bossé : [00:02:40] Toute seule avec toi-même ou avec d'autres mondes, généralisé là.
Claudie Mercier : [00:02:42] Ah oui, oui, 100 %. Puis même que des fois, je chokais mes amis parce que, en fait ce qui se passait, c'est que souvent dans une soirée, je devais aller m'enfermer plusieurs fois dans les toilettes parce que je faisais une crise de panique intérieure. Puis là ça montait, ça montait, puis là je disais au monde « hé, je reviens, je vais aux toilettes ». Mais comme, les gens ne savaient pas que, comme, je faisais des crises de panique, fait que j'allais m'enfermer dans les toilettes. Je faisais ça aussi à mon travail parce que…
Anne-Élisabeth Bossé : [00:03:03] Fait que tu étais quand même hyper fonctionnelle, parce que les gens ne voyaient pas que tu craquais de l'intérieur, là. Tu étais comme capable de masquer ça.
Claudie Mercier : [00:03:10] Au départ.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:03:11] Au début, OK.
Claudie Mercier : Oui, c’est ça.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:03:12] Jusqu'à ce que…
Claudie Mercier : [00:03:13] Bien au départ, tout mon cégep, ça s'est bien passé. J'ai quand même réussi à bien le cacher et tout. Puis première année d'université également. C'est vraiment la deuxième année de l'université où que, là, j'ai commencé à vraiment avoir peur de sortir de chez nous tout court, puis d'aller faire l'épicerie. Parce que c'est tellement spécial comment le cerveau fonctionne. Mais tsé, admettons moi, il m'était déjà arrivé de faire une crise de panique pendant que j'étais à l'école. Ça fait que là, j'associais l'école à ma crise de panique. Fait que là, j'avais peur de faire une crise de panique à l'école. Ça fait que ça a commencé comme ça. Jusqu'à tant que ça atteigne l'épicerie, que ça atteigne la voiture. Là, je ne me sentais plus en sécurité nulle part. Et dans ce temps-là, j'avais un copain qui n’est pas lui que j'ai présentement.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:03:54] Un ancien copain.
Claudie Mercier : [00:03:54] Oui, c'est ça. Et il ne devait jamais me laisser toute seule. C'était comme ma crainte. Je pensais que s'il me laissait toute seule, j'allais mourir toute seule chez nous. Crise de cœur, ACV, épilepsie, ah!
Anne-Élisabeth Bossé : [00:04:06] OK, OK, OK.
Claudie Mercier : [00:04:07] Oui, tout le kit!
Anne-Élisabeth Bossé : [00:04:08] Je comprends. Extrêmement irrationnel.
Claudie Mercier : Ah mon Dieu, tellement.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:04:10] Il n'y avait pas de manière de te raisonner. Même s’il y a une colonne des pour, des contre, des articles scientifiques, ça dépasse ça là.
Claudie Mercier : [00:04:16] Ah oui! Puis mon ancien copain, sa mère est infirmière, puis je lui racontais mes peurs, puis elle était comme « bien voyons Claudie, tu as 21 ans là, comme ça va bien aller, là ». Mais moi, j'étais comme « non, je te jure, là, comme ». Tsé, c'était rendu que j'avais développé un trouble alimentaire aussi. Tsé, j'étais rendue orthorexique parce que…
Anne-Élisabeth Bossé : [00:04:33] Ça, ce n’est pas bon pour le corps, ça ce n’est pas bon, ça...
Claudie Mercier : [00:04:34] Exact. Je ne pouvais plus manger de gras. Moi, je voyais un œuf puis je me disais : « Ah mon Dieu, il y a du cholestérol là-dedans, je vais faire du cholestérol ». Là, j'étais comme : « Si je fais du cholestérol, ça va bloquer ma circulation, nanana ». Eille, je te jure, ça allait loin mon affaire, là! À un moment donné, j'étais accro à prendre ma pression artérielle, donc j'allais chaque jour dans les pharmacies, j'allais chaque jour au gym, je prenais ma pression artérielle jusqu'à ce qu'un jour je la prenne et elle est trop élevée. Puis là, la machine se met à biper rouge « trop élevé ». Eille là, là…
Anne-Élisabeth Bossé : [00:05:05] Il n'en fallait pas plus pour, j'imagine.
Claudie Mercier : [00:05:07] Ah mon Dieu! Là après ça, j'étais comme : « Ça y est, je fais de l'hypertension ». Fait que là, j'étais partie sur une autre affaire. Comme tu vois, là, c'est comme…
Anne-Élisabeth Bossé : [00:05:13] OK, mais ça gangrène comme tout.
Claudie Mercier : [00:05:15] Exactement.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:05:16] Mais qu'est-ce que… mon Dieu, quel était…
Claudie Mercier : [00:05:17] Déclic?
Anne-Élisabeth Bossé : [00:05:18] Le premier pas de guérison? À un moment donné, probablement de nommer l'affaire, j'imagine, que de te faire face à l'affaire. Puis après, comment on amorce ça, comme décortiquer un trouble anxieux, puis ne pas en survivre là, mais le surmonter du moins? Parce qu'on vit avec, mais il faut vivre. Dans vivre avec, il y a vivre. Il faut vivre!
Claudie Mercier : [00:05:34] Ah oui, oui, 100 % là. Puis tsé, je ne vivais pas là. On va se le dire, là, quand tu restes chez vous et puis que ton chum ne peut pas te laisser toute seule parce que, s'il te laisse toute seule, tu paniques, tsé, ce n’est pas une vie là. Tsé, ce n’est pas une vie que je voulais. Puis moi, je le savais. J'étais consciente que ce n’était pas normal là. Tsé, je n’étais pas chez nous à me dire c'est complètement normal, je vais…
Anne-Élisabeth Bossé : [00:05:51] Tout le monde devrait être comme moi.
Claudie Mercier : [00:05:52] Non, exactement. Puis ma mère, elle avait fait : « Là, il faut que tu ailles voir notre médecin, ça n'a pas de bon sens ». Puis j'avais accepté parce que, pour vrai, j'étais rendue à une étape où est-ce que j'étais essoufflée. Moi, c'était rendu que le meilleur moment, c'était quand je dormais parce que je ne me rendais pas compte que j'étais anxieuse. Au moment où je me réveillais, je me sentais étourdie constamment. Je me sentais en manque d'air. Genre, je ne sais pas comment l'expliquer mieux que ça, tsé. Je me sentais contrôlée par mon propre corps, disons ça comme ça.
[00:06:18] Je suis allée chez le médecin, je lui ai tout expliqué. Elle me fait remplir des formulaires. On me passe des tests. On me fait voir justement un psychologue par rapport à ça. Et à la base, mon diagnostic est tombé comme étant un trouble d'anxiété généralisée, oui, mais à ce moment-là, j'avais aussi développé un trouble panique parce que je faisais plus de cinq crises de panique par jour.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:06:38] Ça fait que ce qui t’a aidée au final le plus, c'est d'en parler, de voir des psy, puis je le sais parce que tu en as parlé, que la médication peut-être une option. Est-ce que tsé, je sais que certaines personnes démonisent un peu cet aspect-là du traitement. Comme toi, je sais que ce n’est pas ton cas.
Claudie Mercier : [00:06:53] Ah non, vraiment pas parce que… Puis tsé, dans le sens, ça ne va pas être un miracle, là. Ce n’est pas ça que je dis. Puis si tu n’as pas besoin de prendre la médication, prends-en pas. Mais moi, j'étais rendue à un moment de ma vie où est-ce que, si je ne prenais pas la médication, pour vrai, honnêtement je ne sais pas ce qui m'aurait aidée. Pour vrai. Je faisais du sport, je mangeais bien, je faisais de la méditation, je ne buvais pas d’alcool à ce moment-là.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:07:13] Peut-être trop, là.
Claudie Mercier : [00:07:14] Exact. Mais mon Dieu, c'est drôle que tu me dis ça parce qu'on a établi un lien avec mon médecin que, tellement que je mangeais trop santé, mon cerveau manquait de gras. Fait que ça a créé encore plus d'anxiété. C'est vraiment épouvantable. Je me faisais ça à moi-même sans m'en rendre compte.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:07:30] L'antidote devient le venin, oui je comprends.
Claudie Mercier : [00:07:34] Mais tellement! Puis c'est fou parce que, maintenant, quand je le sais, je suis comme « mon Dieu, ça fait tellement de sens ». Puis en ce moment, je mange ce que je veux et je me sens tellement bien, admettons. Puis ça a commencé comme ça. La médication allait, allait. Ça m'a vraiment aidée à me redonner un up.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:07:47] Bien oui.
Claudie Mercier : [00:07:48] Puis comme je te dis, moi la communication, c'est quelque chose de gros dans ma famille, là. Moi, si je ne vais pas bien, j'appelle mon père, j'appelle ma mère. Tsé, j'ai vraiment la chance d'avoir des parents sur qui je peux compter. Mais ça, en parler, c'est le best. Puis justement, quand j'utilise ma plateforme pour le faire, c'est aussi une thérapie pour moi, là.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:08:04] Bien oui!
Claudie Mercier : [00:08:05] Oui. Moi, j'avais commencé à faire des vidéos YouTube il y a peut-être… en 2017-2018. Je m'assoyais devant ma caméra, puis je braillais. Je faisais quasiment une crise de panique en live. Je trouve ça drôle d'avoir fait ça, mais en même temps, ça m'a tellement aidée. Parce qu'il y a plein de gens qui m'écrivaient pour me dire : « Oh my God, je vis la même affaire ». Je suis comme : « Wow, je ne suis pas toute seule! » Je trouvais ça le fun de voir enfin des femmes, des hommes de mon âge qui vivaient aussi ça, tsé.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:08:28] Bien sûr.
Claudie Mercier : [00:08:29] Fait que ça m'a vraiment aidée d'en parler sur mes réseaux. Étonnamment, ça ne m'a pas…
Anne-Élisabeth Bossé : [00:08:33] Puis, il y a deux affaires que je retiens dans ce que tu dis. D'abord, de l'importance de prendre ça au sérieux. Parce que je ne sais pas tes parents ont quel âge, puis je ne veux pas faire d'âgisme et puis je ne veux pas viser aucune génération, mais c'est quand même récent qu'on parle de santé mentale et il y a beaucoup d'affaires de…
Claudie Mercier : 100 %.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:08:45] Parfois, là : « Tsé, c'est dans ta tête, ma petite fille ». Tsé ça, on entend ça souvent. Puis à ce moment-là, si tu n’es pas pris au sérieux, ça peut amener de la honte. Puis quand tu as de la honte, bien là, tu ne peux pas sortir de ça. Dans ton cas, tu as été prise au sérieux, puis ça te permet de sortir de ta honte et puis, même, justement de mettre ça de l'avant. C'est ça que tu dis que tu fais dans tes réseaux sociaux. Non seulement tu ne te caches pas, tu te filmes en train de faire une crise de panique pour dire « eille, ça existe ».
Claudie Mercier : Oui.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:09:07] Il y a des gens qui traversent ça et ça permet à plein de monde de s'identifier et de sortir peut-être, eux, de leur honte.
Claudie Mercier : [00:09:12] Mais je pense que de plus en plus, les gens sont conscients de ce que c'est de vivre avec ça. Puis tsé, on se dit tout le temps… je trouve ça drôle, on dit tout le temps : « Ah oui, en 2023, tout le monde est anxieux ». L'affaire, c'est que probablement qu'en 1980, il y avait plein de gens anxieux, plein de gens en choc post-traumatique, mais ils ne disaient pas, puis ils ne parlaient pas. Ça fait que c'est normal qu'on pense que, dans ces années-là, il n’y avait rien. Mais ce n’est pas vrai, là. Comme moi, ma mère a 50 ans, ma grand-mère est plus vieille, puis les deux ont vécu de l'anxiété, là, tsé c’est comme...
Anne-Élisabeth Bossé : [00:09:41] Mais bien sûr. Il n’y avait juste pas de mot pour le dire. Oui.
Claudie Mercier : [00:09:44] Exact. Bien oui, moi je pensais comme toi, là. J'allais passer des électrocardiogrammes, des scans au cœur parce que j'étais comme : « Je dois avoir un problème cardiaque », je passais des prises de sang. Jusqu'à tant qu'on me dise : « Tu es anxieuse, ma belle ».
Anne-Élisabeth Bossé : [00:09:56] Oui, oui. Aussi rationnel que ça peut être, oui, c'est le nom que ça porte. Puis quand on vit un trouble anxieux généralisé et ça prend autant de place, comment notre identité ne devient pas que ça? C’est-tu un processus que tu as eu à faire?
Claudie Mercier : [00:10:07] Oui, mais tsé, en même temps, je pense qu'à la seconde où est-ce que tu acceptes que tu es anxieuse puis que c'est ça ton diagnostic, moi déjà, je trouvais que c'était un pas vers l'avant. Puis aussi, d'accepter que ton anxiété ne va pas disparaître. Puis ça, moi au départ quand j'étais plus jeune, je rêvais de ne pas être anxieuse. Tsé, comme moi je dis tout le temps à mon chum : « Ah, j'aimerais tellement ça être comme toi, tu n’es pas anxieux ». L'affaire, c'est que ça n'arrivera jamais, ma belle. Tu vas tout le temps être anxieuse un peu. La seule différence, c'est que tu as appris à contrôler cette anxiété-là, qui n'est pas un défaut, soit dit en passant, parce que…
Anne-Élisabeth Bossé : [00:10:43] Il y a des bons côtés.
Claudie Mercier : [00:10:44] Bien mon Dieu, mais tellement. Moi, mon anxiété m'a créé encore plus d'empathie pour les autres. Je suis bien plus créative. Mon cerveau, il va tellement à 100 à l'heure puis je m'imagine tellement de scénarios que ma créativité là, elle est through the roof. Non, non, mais pour vrai, c'est comme… c'est beau pareil, là, tsé dans le sens que moi je suis vraiment contente. Pour vrai, c'est vraiment bizarre à dire, mais moi je suis contente d'être passée par là.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:11:05] Bien oui, bien oui.
Claudie Mercier : [00:11:06] Parce que la forge la femme que je suis aujourd'hui. Puis je suis tellement plus forte, je suis tellement plus genre… plus moi-même étrangement.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:11:13] Puis aussi en fait, la différence, c'est que tu disais que ça a pris le contrôle de ton corps, puis là, c'est toi qui as réussi à reprendre le contrôle là-dessus. Puis de dire « oui, je suis quelqu'un qui expérimente des troubles anxieux. Je ne suis pas que l'anxiété. L'anxiété, je sais que ça fait partie de moi, mais pas que j'ai les rênes dessus là, mais tsé, je le cadre, je le paramètre, puis c'est ça, ça ne m'envahit plus au point de me désorganiser puis d'être plus fonctionnelle », tsé.
Claudie Mercier : [00:11:35] Bien, tellement. Puis moi ce qui m'aide, c'est de me parler à voix haute, là, vraiment.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:11:38] Oui, c'est ça. As-tu des petits trucs très, très concrets, de base pour... comme te parler à voix haute, tu fais ça.
Claudie Mercier : [00:11:44] Ah, mais tout le temps. Genre, admettons que je suis dans ma voiture, puis je sens une petite panique monter là, le monde ils auront beau dire ce qu'ils voudront là, je suis une folle au volant, mais je me dis : « Claudie, ça va bien. Tu le sais que c'est juste de l'anxiété, c'est des symptômes normal de l'anxiété. Si ton cœur bat plus vite, ce n’est pas parce que tu vas faire une crise de cœur, c'est complètement normal, c'est une réaction chimique du corps ».
Anne-Élisabeth Bossé : [00:12:05] Puis ça, ça t'aide de t'entendre dire ça, OK.
Claudie Mercier : [00:12:08] Oui. Parce que même si je me le dis dans ma tête, on dirait que mon cerveau ne l'assimile pas.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:12:11] Oui, la voix intérieure, ce n’est pas la même chose, hein.
Claudie Mercier : [00:12:14] C’est ça. Mais moi, mon psychologue, puis j'en ai découvert un qui m'a vraiment beaucoup, beaucoup aidée justement, puis ça, c'était un de ses trucs. Il était comme : « Pour vrai, dis-le à voix haute. Ton cerveau là, tu vas le manifester, il va comprendre ce que tu lui dis ».
Anne-Élisabeth Bossé : [00:12:26] Tu vas t'entendre le dire là, puis ça va rentrer.
Claudie Mercier : [00:12:28] C’est ça. Exact. Je me parle à moi-même beaucoup, ça l’aide vraiment. Aussi, ce que mon psy m'avait donné comme conseil, c'est que si admettons que je fais une crise de panique pendant je suis sur la route, c'est de partir une toune que j'aime et que je connais par cœur, puis de la chanter. Parce qu'il dit que quand tu chantes, tes poumons s’ouvrent, de quoi de même, fait que ça t'aide à mieux respirer par la suite.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:12:48] J'aime donc bien ça, ce truc-là!
Claudie Mercier : Avoue, hein?
Anne-Élisabeth Bossé : [00:12:50] C'est complètement. C'est super concret, c'est facile à faire. Tu peux faire ça n'importe où, ça ne coûte rien.
Claudie Mercier : [00:12:55] Exactement. Bien, c'est ça. Fait que tsé, c'est plus genre… me pars pas une musique que tu ne connais pas. Vraiment, pars une musique par cœur que tu connais, comme ça, tu vas chanter par-dessus. Ou tsé, un truc que tout le monde probablement connaît, mais admettons, moi si je suis sur la route, si je suis anxieuse, je vais faire « OK. Sur tel panneau, il est écrit telle chose ».
Anne-Élisabeth Bossé : [00:13:12] La pancarte est rouge.
Claudie Mercier : [00:13:13] Oui, c'est ça.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:13:14] Tu dis des affaires qui existent.
Claudie Mercier : [00:13:15] Je nomme des affaires, je touche des affaires, ça, ça m'a beaucoup aidée. Aussi, quand tu es anxieux/anxieuse, faut que tu repousses tes limites. Il faut vraiment que tu te forces à le faire. Puis admettons moi, je suis une fille admettons qui a peur de l'incontrôlable. Donc admettons, tout ce qui est quand tu prends l'avion, moi j'ai peur de ça parce que j'ai peur vu que je ne suis pas au volant puis tout. Ça fait que là, j'étais comme… j'ai sauté en parachute quand même, tu comprends?
Anne-Élisabeth Bossé : [00:13:39] Ah oui, tu vas de l'autre bord?
Claudie Mercier : [00:13:40] Oui, oui, moi je vais de l'autre bord. Parce que moi après ça, ça me fait tellement sentir vivante. C'est un sentiment d'euphorie, puis on dirait que ça me calme après. Je suis comme « eille, j'ai sauté en parachute. Calme-toi, tu es assis sur ton divan, tu n’as pas à être stressé ». Tu comprends?
Anne-Élisabeth Bossé : [00:13:52] Mais c'est vrai. Non, mais tu élargis ton spectre d'expériences.
Claudie Mercier : [00:13:55] De peurs, genre.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:13:56] OK, je comprends.
Claudie Mercier : [00:13:57] Souvent les personnes anxieuses, ils ne veulent pas repousser leurs limites, c’est parce qu'ils ont peur d'avoir peur, puis je les comprends. Parce que moimême j'ai peur de mon ombre. Mais l’affaire, c'est que, quand tu passes au-delà de cette peur-là et au-delà de tes limites là, c'est là que tu vas aller toucher quelque chose.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:14:11] Il y a une clé là, là.
Claudie Mercier : [00:14:14] Tellement! Puis que ce soit… Puis en passant, ça peut être… là, moi c'est extrême, là. Mais admettons, ça peut être : « Moi, j'ai peur des hauteurs, je vais aller faire un arbre en arbre », tu comprends?
Anne-Élisabeth Bossé : [00:14:23] Pas nécessairement un harnais sur la tour du CN, là.
Claudie Mercier : [00:14:26] Non, c'est ça là.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:14:27] Puis, on peut y aller graduellement, c'est parfait. Puis ça c'est cool. Je comprends.
Claudie Mercier : [00:14:31] Non, mais tellement. Puis tsé, si tu as peur de prendre la voiture, va-t'en pas te mettre sur l'autoroute en plein trafic, non?
Anne-Élisabeth Bossé : [00:14:38] Non, au Texas avec six voies avec minimum 120…
Claudie Mercier : [00:14:40] Et mon Dieu, ça serait mon cauchemar, là. Complètement cauchemardesque pour moi.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:14:43] Et moi donc. Je le nomme, puis je ne suis pas bien.
Claudie Mercier : [00:14:46] Tu es-tu anxieuse au volant?
Anne-Élisabeth Bossé : [00:14:47] Moi, c'est ma place.
Claudie Mercier : [00:14:48] Ah pour vrai?
Anne-Élisabeth Bossé : [00:14:48] Puis moi, je n’ai pas surmonté ça encore. Puis ça, je trouve ça super plate.
Claudie Mercier : [00:14:52] Bien, ça va arriver.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:14:53] Oui, mais j'aime… bien en tout cas, je t'entends, puis on dirait que je prends plein de petites notes intérieures.
Claudie Mercier : [00:14:58] C'est quoi… excuse, on dirait que c'est quasiment notre thérapie. Mais admettons, c'est quoi qui te fait peur quand tu es au volant, admettons?
Anne-Élisabeth Bossé : [00:15:04] Moi, c'est fou parce que ce n’est pas comme toi. Moi, je n’ai pas peur des autres, moi j'ai peur de moi. Moi, j'ai des rêves où je fonce dans des affaires.
Claudie Mercier : [00:15:12] Ah! Bien, tu as des pensées intrusives?
Anne-Élisabeth Bossé : [00:15:13] J'ai des pensées intrusives. Ça fait que moi, j'ai peur d'avoir un geste complètement irrationnel au volant, de manquer de jugement. Admettons l'autoroute, admettons une sortie ou une entrée, « J’y vais-tu? J’y vais-tu? J’y vais-tu? Je n’y vais pas! » Je freine. Voyons donc! Non, puis le monde dans l'auto, ils font comme « Tu fais tout sauf ça ». J'ai peur de ne pas avoir les bons réflexes, alors que je pense que je suis quelqu'un qui fonctionne bien dans la vie.
Claudie Mercier : [00:15:34] Bien à date, tu ne m'as pas sacré de coup de poing dans la face, ça fait que ça devrait bien...
Anne-Élisabeth Bossé : [00:15:36] Crime, c’est une affaire. Ça, ce n’est jamais arrivé encore, voilà. Je me mets un A+ là-dessus.
Claudie Mercier : [00:15:40] Ce n’est jamais arrivé!
Anne-Élisabeth Bossé : [00:15:42] Non, tu as raison! Les chances sont de mon bord, là, que j'aie des bons réflexes. Mais c'est là que mon cerveau va. J'aimerais ça. J'aimerais ça passer par-dessus ça, je vais te dire. Je serais bien fière de moi.
Claudie Mercier : [00:15:50] Mais moi, je suis sûre que tu vas passer par-dessus puis tu vas...
Anne-Élisabeth Bossé : [00:15:52] Mais, je réalise en jasant qu'il y a toujours tellement d'affaires à dire et qu'il nous manque encore plein de clés et d'infos sur le sujet. Donc je te propose d'accueillir Simon Coulombe. Et là je vais, je ne veux pas manquer, je veux le dire comme il faut...
Claudie Mercier : [00:16:04] Tu vas être tellement bonne! Tu n’auras pas le réflexe de dire autre chose.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:16:07] Mais Simon Coulombe, je pense que je le sais. J'ai hâte de le recevoir. Titulaire dans la Chaire…
Claudie Mercier : [00:16:13] Non mais vas-y, recommence, tu es bonne!
Anne-Élisabeth Bossé : [00:16:15] On va inviter Simon Coulombe, titulaire de la Chaire de recherche en santé mentale, autogestion et travail de l'Université Laval.
Claudie Mercier : [00:16:23] C'est l'université à laquelle je suis allée.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:16:25] Mon Dieu, mais tout est dans tout!
Claudie Mercier : [00:16:26] C'est donc bien cool!
[00:16:27 BUMPER TRANSITION]
Anne-Élisabeth Bossé : [00:16:32] Simon Coulombe, merci tellement d'être avec nous aujourd'hui.
Simon Coulombe : Ça fait plaisir.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:16:37] Tu as un doctorat en recherche en psychologie, ce qui fait de toi un chercheur en psychologie. Est-ce qu'on peut démystifier la différence entre être stressé, avoir un tempérament anxieux et vivre un trouble anxieux ou, comme Claudie, avoir un diagnostic de trouble anxieux généralisé qu'on appelle le TAG?
Simon Coulombe : [00:16:53] Oui, bonne question. C'est sûr que le TAG, c'est un trouble anxieux spécifique dans la famille des troubles anxieux. Fait que dans le DSM actuel, donc le fameux guide des maladies mentales, il y a le trouble d'anxiété généralisée, il y a le trouble panique avec ou sans agoraphobie, il y a les phobies spécifiques, genre quelqu'un qui a peur, je ne sais pas, des chiens par exemple ou de l'avion. Ça aussi, ça peut être considéré comme un trouble anxieux. Donc il y a plusieurs troubles. Et ensuite, la différence entre stress et anxiété, le stress c'est des choses qu'on vit dans la vie de tous les jours. C'est un signe qu'il y a quelque chose qui se passe dans notre environnement, dans notre vie, auquel on doit s'adapter, réagir. Donc c'est juste un processus normal qui nous donne des signes qu'il y a quelque chose qui se passe, qu'il faut qu'on fasse. Donc le stress peut-être très positif aussi.
[00:17:42] Puis c'est lorsqu’on est stressé à répétition, à répétition, et que ça surcharge nos capacités cognitives, nos capacités d'adaptation émotionnelle aussi que, là, ça peut se développer sous forme de trouble. Et bon après ça, l'anxiété aussi, on peut la voir aussi sur un continuum. Puis justement, quand les médecins ou les psychiatres diagnostiquent des troubles anxieux, bien, il y a une série de critères à respecter. Donc il faut que la personne vive de l'anxiété pendant plus de tant de jours de suite ou plus. Et il y a beaucoup aussi le critère du fonctionnement. C'est une question de savoir est-ce que ton anxiété t'empêche de fonctionner au quotidien, crée une des problématiques dans tes relations avec les autres ou au travail, par exemple. Ton fonctionnement social, est-ce qu'il est affecté ou non, puis c'est ça qui va déterminer, tsé, est-ce qu'on est dans une zone de plus d'anxiété non pathologique versus une zone de trouble?
Anne-Élisabeth Bossé : [00:18:30] Oui, oui.
Claudie Mercier : [00:18:30] Je pense que les gens qui écoutent ça vont pouvoir vraiment faire la différence.
Simon Coulombe : [00:18:34] Et c'est sûr que la zone n’est pas toujours si claire pour nous en tant que grand public. Savoir est-ce que je vis de l'anxiété aujourd'hui ou est-ce que je suis un trouble anxieux?
Anne-Élisabeth Bossé : [00:18:43] Oui, les frontières sont un petit peu floues, quand même là.
Simon Coulombe : [00:18:46] C’est plus un peu floues, puis ça varie d'une période à l'autre de la vie. Tsé comme moi, quand j'étais adolescent, j'ai été diagnostiqué avec le trouble obsessif compulsif qui, à l'époque, était considéré comme un trouble anxieux. Tsé, je considère encore que je vis avec ce trouble-là, mais à cause des traitements que j'ai subis et que je prends une médication, etc., je ne considère pas que ça affecte mon fonctionnement au quotidien. Mais tsé, je me considère encore comme vivant avec ce trouble-là.
Claudie Mercier : [00:19:12] Mais admettons là, tsé, vu que moi en ce moment, admettons, j'ai été diagnostiquée avec un trouble d'anxiété généralisée OK, mais là en ce moment, ma vie va bien, tsé, je suis sous médication, ça n’affecte plus ma vie comme avant. Je vis encore avec mon TAG ou pas?
Simon Coulombe : [00:19:26] Ça, je pense que c'est… puis un médecin ou un psychiatre ou un psychologue pourrait avoir une vision différente de la mienne, mais moi je pense qu'après ça, ça devient quasiment une perspective personnelle.
Claudie Mercier : [00:19:33] OK, oui.
Simon Coulombe : [00:19:34] Tsé, il y a beaucoup…
Anne-Élisabeth Bossé : [00:19:35] Comment tu te présentes, si tu le vis comme une étiquette ou non.
Simon Coulombe : [00:19:38] C'est ça. Il y a beaucoup tout ce dont on parle depuis, puis je vous écoutais parler un peu, tsé, on parle des symptômes d'anxiété, tu as un côté très médical, mais il y a tout un volet dans… On le voit beaucoup dans les recherches aussi en santé mentale, un volet qui est plus axé sur le rétablissement personnel. Tsé comment, en tant que personne qui vit avec des difficultés de santé mentale, que ce soit de l'anxiété ou autre, comment ça en vient à te redéfinir ou à te définir? Est-ce que tu te définis… comme ça fait partie de ton identité? Est-ce que tu es capable de voir que c'est juste une petite partie de toi, mais que tu as plein d'autres qualités ou d'autres défauts, whatever.
[00:20:13] Mais donc, il y a toute cette question-là qui est plus le rétablissement personnel et dont on ne parle pas beaucoup, mais qui est plus, moi je pense que c'est un peu à ce niveau-là à savoir, tsé, est-ce que dans cinq ans, je ne sais pas, tu vas continuer à te présenter comme quelqu'un qui vit avec de l'anxiété ou pas. Tsé, depuis tantôt on parle d'anxiété, de détresse, d'aspects plus négatifs de la santé mentale, de quand ça ne va pas. Puis tsé, depuis les années 50, entre autres avec l'après-guerre, il y a beaucoup, beaucoup des travaux d'études qui ont été faites sur comment aider les gens qui ne vont pas bien. Mais vers les années 2000, en psychologie et dans des champs connexes, justement quelqu'un a dit « mais ce n’est pas normal qu'on sache tellement d'affaires sur ce qui ne va pas bien, mais qu'on ne comprenne pas qu'est-ce qui fait que certaines personnes vont bien ».
Anne-Élisabeth Bossé : [00:20:54] Oh mon Dieu, le prendre de l'autre bord.
Simon Coulombe : [00:20:55] Donc la santé mentale positive.
Claudie Mercier : [00:20:56] C'est cool, j’aime ça!
Simon Coulombe : [00:20:57] La question de santé mentale positive, c'est d'aller voir qu'est-ce qui fait que la vie vaut la peine d'être vécue? Qu'est-ce qui fait que je trouve un sens dans mon quotidien, dans ma vie? Qu'est-ce qui fait que je m’actualise, tsé, que je me développe, que je peux être mon vrai moi comme personne, que je peux contribuer à la société, etc. Puis les travaux suggèrent que… bien, beaucoup d'études montrent que ce n'est pas juste l'inverse. On peut vivre avec de l'anxiété, mais quand même arriver à trouver un sens ou s'actualiser comme personne. Vice versa, on peut… Il y a des personnes qui ne trouvent pas de sens de santé mentale positive dans leur vie, mais qui ne sont pas nécessairement en dépression ou anxieuses pour autant. On appelle ça un état un peu de… en anglais, de languishing. Languishing, comme de languissement. Tsé, cette idée que ta vie n’est peut-être pas comme au top, mais…
Anne-Élisabeth Bossé : [00:21:45] Que peut-être accentuée par la pandémie?
Simon Coulombe : [00:21:48] Oui. Il y a des articles écrits sur ça. Donc la santé mentale positive, c'est un peu d'aller essayer de travailler ce côté-là, mais de voir aussi comment il interagit avec la santé mentale négative, l'anxiété, la dépression, puis de mieux comprendre que ce n’est pas parce qu'on travaille beaucoup sur aider quelqu'un à se sentir mieux au niveau de ses symptômes de détresse, admettons, ou d'anxiété qu'elle va nécessairement être heureuse dans la vie.
Claudie Mercier : [00:22:11] C’est donc bien bon.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:22:12] Oui, hein, moi aussi ça me parle. Il y a quand même une petite épiphanie, là, dans ce qui vient de se dire. C'est important qu'on en parle. Il y a une phrase qui revient beaucoup quand on lit ton parcours, tes études, c'est de remettre la personne au cœur de son rétablissement. Ce que je trouve super clair, puis en même temps, pas clair. Comment tu dirais ça, là, remettre la personne au centre de son rétablissement?
Claudie Mercier : On ne connaît pas trop.
Anne-Élisabeth Bossé : Il y a quoi, une prise de pouvoir sur… Comment tu décrirais ça, tsé?
Simon Coulombe : [00:22:35] Tsé, qu'est-ce qu'on fait quand quelqu'un vit de l'anxiété ou de la dépression ou un trouble de santé mentale, qu'est-ce qu'on lui dit? « Va voir ton médecin, puis va voir un psychologue ». C'est souvent ça qu'on dit.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:22:43] C'est vrai.
Claudie Mercier : C’est vrai.
Simon Coulombe : [00:22:44] Puis je ne suis pas contre, là. C'est la première chose à faire, ça c'est sûr, ou une des premières choses à faire. Mais il n'y a pas que ça, tsé. Et puis les médecins, oui les psychologues, les psychiatres, tous les intervenants, oui ils sont experts des aspects médicaux, des aspects d'intervention, des aspects psychologiques, mais ils ne sont pas nécessairement experts de la condition du rétablissement de chaque personne. Donc, il y a cette idée-là, de plus en plus, d’au lieu de voir comme le patient comme quelqu'un qui se fait prescrire une thérapie ou un médicament, bien, c'est de travailler plus avec la personne. Au-delà de la considérer comme un patient, de la voir comme une personne qui a des forces, des qualités, des défauts, une vie en plus d'un trouble, puis de voir comment la personne peut être aussi active dans ses choix de traitements, ses choix d'autres stratégies qu'elle peut mettre en place pour aller mieux, etc.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:23:30] Qu'elle ne fasse pas que subir, bref.
Simon Coulombe : [00:23:32] Exactement. Et qu’elle ait du pouvoir dans son propre traitement.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:23:35] On l’a abordé un petit peu tantôt. Oui, on parle de plus en plus de santé mentale, il y a plein de compagnies qui en parlent, mais trouvez-vous qu'on en parle bien? Y a-t-il une bonne façon d'en parler, d'abord? Et trouves-tu que ce qu'on entend dans les médias ou ce qui est mis de l'avant, c'est une bonne façon de parler de santé mentale?
Simon Coulombe : [00:23:51] C'est une bonne question.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:23:52] C'est que… oui, c'est complexe, là.
Simon Coulombe : [00:23:54] J'ai comme… il y a comme une ambiguïté ou j'ai des sentiments mixtes par rapport à ça. Tsé, je trouve ça vraiment cool, bien, qu'on en parle aujourd'hui, puis le contenu, je pense que ça démocratise, ça aide à déstigmatiser et, ça, c'est essentiel. Des fois, j'aimerais ça qu'on en parle plus en profondeur. Tsé, qu'on y aille au-delà… puis un peu comme aujourd'hui, c'est le fun parce que ça nous permet de faire ça, d'aller au-delà des trucs plus sensationnalistes. Je pense que la manière dont on en parle, on en parle plus, on en parle, mais souvent, je trouve que c'est des jours réservés. Tsé, il y a des jours dans l’année…
Anne-Élisabeth Bossé : [00:24:24] Oui, c’est une journée dans l'année.
Simon Coulombe : [00:24:26] Ou deux ou trois.
Claudie Mercier : [00:24:26] C’est vrai!
Anne-Élisabeth Bossé : [00:24:27] C’est vrai!
Simon Coulombe : [00:24:28] Puis, il y a souvent des aspects économiques associés à ces journées-là.
Claudie Mercier : [00:24:31] 100 %.
Simon Coulombe : [00:24:31] Je n’ai pas de problème, mais tsé, tu peux te dire pourquoi c'est juste cette journée-là, puis pourquoi ce n’est pas intégré, la santé mentale. Tsé, il y a certains pays, il y a un ministère de la Santé mentale ou un ministre de la Santé mentale, admettons. Donc que ça soit plus intégré, qu'on en parle plus en profondeur au-delà des idées reçues, je trouve. Mais on s'en va vers ça, mais je trouve que c’est ce que je souhaite.
Claudie Mercier : [00:24:50] Mais, je veux rajouter quelque chose parce que, par rapport à ta question, ça m'a comme sonné une cloche, puis aussi par rapport à ce que tu disais. Moi des fois, je suis sur TikTok, bien tout le temps, en fait. Puis tsé des fois, il y a des gens qui vont en parler, mais admettons ils vont dire « tu es anxieuse si tu as ces 5 symptômes » admettons. Genre, « baisse un doigt, si… », je ne sais pas, « …tu es agoraphobe en public », tsé, des trucs comme ça. Fait que c'est comme… c'est touchy des fois, parce que c'est comme, il ne faut pas que non plus les gens s'autodiagnostiquent, tsé.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:25:21] Oui, ça aussi c'est fréquent dans la vie.
Claudie Mercier : [00:25:22] C’est comme, c’est bien d'en parler, puis je suis d'accord avec toi à 100 % là, tsé. Je veux dire, moi je veux tout le temps en parler. Puis tsé, quand je parle de la médication, je dis tout le temps « c'est pas comme… ce n’est peut-être pas votre solution à vous, ça a été ma solution à moi ». Tsé, je pense qu'il y a une différence entre parler de son expérience personnelle, puis de parler de trucs pour les autres. Je ne sais pas si ça fait du sens?
Anne-Élisabeth Bossé : [00:25:41] Bien, je pense que de ne pas se présenter comme spécialiste quand on n’en est pas un, c’est déjà un bon angle. Mais tu penses-tu que ça… bien, c'est sûr que oui, mais je veux t'entendre le dire… que l'impact justement de l'angle des TikTok de Claudie chez les jeunes, c'est sûr que c'est manifeste. C'est sûr que c'est concret?
Simon Coulombe : [00:25:57] J'avoue que je n’ai pas regardé d'études sur les TikTok de Claudie.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:25:59] Non, non, mais ton opinion.
Claudie Mercier : Voyons, pourquoi?
Simon Coulombe : [00:26:01] Oui mais non, mais mon opinion c'est sûr que…
Anne-Élisabeth Bossé : [00:26:03] Mais moi, j’imagine que tu es tellement suivie par plein de jeunes, je veux dire, c'est ça que juste d'en parler, c'est ça que je veux dire, que ça a un impact.
Simon Coulombe : [00:26:09] Il y a beaucoup de théories sur la stigmatisation en santé mentale, de travaux de recherche en théories qui parlent de l'importance du contact avec d'autres personnes qui vivent ou qui ont vécu des troubles. Donc tsé le contact en 2023, ça peut être un contact vidéo virtuel, surtout que vous êtes, les influenceurs, ou je ne sais pas si tu te définis comme ça mais...
Claudie Mercier : [00:26:26] Influenceur, créatrice de contenu, tout le kit, là.
Simon Coulombe : [00:26:26] Créatrice de contenu, vous êtes quand même proche, là. C'est comme si on devient vos amis.
Anne-Élisabeth Bossé : Bien c’est ça.
Simon Coulombe : [00:26:31] Fait que c’est la même chose qu'un contact réel à la limite, à quelques exceptions. Donc j'imagine qu'il y a des impacts en matière de déstigmatisation.
Claudie Mercier : [00:26:38] Tsé, moi ça m'aide là, comme je le disais tantôt.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:26:41] C'est donnant-donnant.
Claudie Mercier : [00:26:42] D’en parler, pour moi, c'est quasiment plus une thérapie qu'autre chose, là, tsé.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:26:45] On en a parlé un peu avec Claudie. Qu'est-ce que tu suggérerais comme trucs?
Simon Coulombe : [00:26:49] J'adore cette question-là parce que je m'intéresse beaucoup au concept d'autogestion. Qu'est-ce que les personnes… quelles stratégies les personnes peuvent mettre en place dans leur quotidien. Bien, il y en a une panoplie de stratégies et tu en es listées tantôt. La méditation, c’est sûr. La méditation pleine conscience, entre autres. Mais il y a plein, plein, plein de travaux sur l'efficacité de la pleine conscience. Puis après ça, bien, on peut la faire de différentes façons. Le contact avec la nature, les animaux, les amis, etc., ça rentre en ligne de compte. Activités physiques, bonnes habitudes de vie. C'est sûr que…
Anne-Élisabeth Bossé : [00:27:18] Sans tomber dans l'excès, oui.
Simon Coulombe : [00:27:21] C’est ça, oui. Puis c'est sûr que, comme tu disais je pense plus tôt, ça se peut que des fois on ait besoin de plus. Tsé, c'est en fonction du niveau de symptômes ou d'anxiété, puis de comment ça affecte ton fonctionnement, que des stratégies comme ça vont pouvoir être suffisantes, peut-être, à un certain niveau d'anxiété, mais que lorsque l'anxiété devient plus, admettons, modérée à plus sévère, là c'est sûr qu'aller chercher des traitements comme la psychothérapie ou la médication, dépendamment ou souvent en combinaison, peut vraiment aider justement aller, comme, permettre à la personne de souffler puis de mettre en place d'autres stratégies.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:27:56] Sortir la tête de l'eau, puis après…
Simon Coulombe : [00:27:58] C’est ça. Mais nous, on est souvent plus en autogestion dans les idées. L'idée, ce n’est pas tant qu'on peut recommander une stratégie à tout le monde, mais c'est plus que chaque personne devrait développer un peu ses stratégies qui lui plaisent. Tsé, un peu comme, admettons, pour prendre soin de sa santé physique, admettons, si on prend juste le sport, si je ne dirai pas à tout le monde d'aller jouer au tennis parce que peut-être qu'il y en a la moitié que ça n'intéressera pas.
Claudie Mercier : [00:28:20] C’est vrai.
Simon Coulombe : [00:28:20] Mais c'est la même chose. Tsé, pour prendre soin de ta santé mentale, bien, je ne sais pas toi, c'est quoi.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:28:25] Qu’est-ce qui te fait du bien, toi? Mettre la personne au cœur de son rétablissement.
Simon Coulombe : [00:28:28] C’est ça! Qu’est-ce qui te fait du bien, mais donnes-toi la chance d'essayer, tsé. Ce n’est pas comme… ça se peut que ce soit des choses que tu fais depuis 20 ans puis qu'il faut juste que tu continues à les faire. Ça se peut que tu réactives. On essaie beaucoup ça aussi, le réactivation des choses que tu as faites, mais que tu as peut-être arrêté de faire parce qu'il est arrivé quelque chose ou parce que c'est plus difficile, mais que ça te prend un petit boost de motivation. Ou des choses nouvelles. Essayer des choses nouvelles, puis voir, un peu être à l'écoute un peu de tes symptômes, de ton anxiété puis voir quel effet ça te fait, ça, tsé de faire cette activité-là ou de faire…
Anne-Élisabeth Bossé : [00:28:57] De l'essai-erreur en fonction de.
Simon Coulombe : [00:28:58] C’est ça, essai-erreur. Puis après ça, il y a toute la question de, tsé, on sait tous que d'essayer de changer les habitudes de vie ou des choses qu'on fait au quotidien, ce n’est pas facile. Parce que, je veux dire, la vie étant ce qu'elle est, un tourbillon de choses, de personnes autour, de choses à faire, donc d’essayer d'y aller graduellement. Tsé, se dire « je ne vais pas essayer de faire douze affaires cette semaine, là ». Surtout si je suis anxieux/anxieuse, des fois, les anxieux/anxieuses ont tendance à avoir de hautes attentes parfois.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:29:24] Être perfectionniste aussi.
Simon Coulombe : [00:29:26] Donc c'est ça. C'est facile de se dire « je vais essayer douze choses cette semaine pour aller mieux », mais là…
Anne-Élisabeth Bossé : [00:29:32] Je vais les faire tous les jours.
Simon Coulombe : [00:29:33] Tous les jours. Mais là après deux jours, quand tu ne les fais pas, là tu es découragée.
Claudie Mercier : [00:29:36] Oui, je suis de même!
Simon Coulombe : [00:29:37] Puis tu te juges de ne pas l'avoir fait.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:29:38] C’est ça, tu te rajoutes une couche.
Simon Coulombe : [00:29:40] De mettre une chose, puis se dire « tsé, comment je vais le faire, quel jour, avec qui, c'est quoi les facilitateurs, les barrières ». Ça a l'air un peu de base, mais juste d'essayer d'organiser sa vie autour d'un petit peu cette chose-là pendant une semaine, voir comment ça va.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:29:53] C’est de base, mais on l'oublie tellement. Puis c'est vrai que quand on part avec… c’est comme les résolutions, là.
Claudie Mercier : Ah oui, oui!
Anne-Élisabeth Bossé : [00:29:57] On part avec des grandes, grandes ambitions d'être réaliste et puis d'être en contact avec ce dont on a vraiment besoin, ce qu'on veut. Faire du sport tous les jours, peut-être pas là. Pourquoi il faut que ça soit de 0 à 1000 tout le temps?
Simon Coulombe: [00:30:07] Aussi, les personnes anxieuses, il y a quand même une bonne… on appelle ça la comorbidité. C'est la coexistence entre l'anxiété et puis un autre trouble. Donc anxiété et dépression sont quand même coexistants souvent, là.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:30:16] Ah oui, hein!
Simon Coulombe: [00:30:17] Donc de se mettre des très hautes attentes puis d'être déçu, bien, ça peut aussi comme nourrir aussi un genre de cycle de dévalorisation, d’aller plus… de tomber plus dans des émotions, des états un peu de déprime aussi. Donc, de faire attention à ça. Puis c'est un exemple, mais tsé, je pense que les personnes anxieuses ont tendance à se juger sévèrement. Donc, de ne pas essayer de...
Anne-Élisabeth Bossé : [00:30:41] Elles doivent se reconnaître au moment où on parle.
Claudie Mercier : [00:30:42] Mais tellement.
Simon Coulombe : Je me reconnais.
Claudie Mercier : Je me reconnais aussi.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:30:45] Je me reconnais aussi, qu’est-ce que tu en penses!
Claudie Mercier : [00:30:46] C’est sûr. Ah oui, oui. Moi, je suis la première à me… [tape sur la tête]. Je veux tout le temps trop en faire, comme tu as dit. Tsé, je suis le genre de personne qui veut tout le temps être à son 150 %. Si je ne suis pas capable d’être à mon 150 %, c'est sûr que ce n’est pas pour moi.
Anne-Élisabeth Bossé : Ah oui. Être son pire ennemi.
Claudie Mercier : [00:30:59] Mais je suis vraiment de même.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:30:58] Merci tellement pour ces discussions si profondes et à cœur ouvert sur le sujet qui m'ont, mon Dieu, concrètement vraiment aidée. On va finir avec toi Claudie. Il y a-tu quelqu'un qui a vraiment été… pas un pivot, là, mais qui a été un grand, grand support dans cette aventure-là d'anxiété?
Claudie Mercier : [00:31:14] Mon Dieu, c'est tellement cute! Bien honnêtement, je pense que je vais dire mes deux parents.
Anne-Élisabeth Bossé : Oui?
Claudie Mercier : [00:31:17] Sincèrement, je sais que ce n'est pas juste une personne là, mais mes deux parents qui ont vraiment été là pour me soutenir, qui ne m'ont jamais jugée. Quand j'étais en arrêt de travail dû à l'anxiété, ils n’étaient pas comme « tu dois retourner travailler ». Tsé, mes parents, ils étaient vraiment conscients de mon anxiété, ils faisaient juste m'écouter. Ce dont j'avais le plus de besoin.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:31:39] Merci Claudie, merci Simon.
Simon Coulombe : Merci de l’invitation.
Claudie Mercier : [00:31:41] Merci à toi aussi. En fait, mais merci à tout le monde.
Anne-Élisabeth Bossé : [00:31:45] Merci beaucoup.
[00:31:45 MOMENT SAVIEZ-VOUS QUE BÉNÉVA]